La guerre du football européen aura-t-elle lieu? Un nouveau projet de «Superligue» lance les hostilités, entre volonté des grands clubs d'augmenter encore leurs revenus et opposition farouche des supporters et des championnats existants.
Qu'est-ce que la «Superligue»?
Serpent de mer du football européen depuis une éphémère initiative en 1998, la «Superligue» revient régulièrement dans le débat, certains rêvant d'un système plus fermé sur le modèle des ligues nord-américaines (NBA, NFL, MLS...)
Selon plusieurs médias européens, cette compétition pourrait s'appeler «European Premier» et rassembler 16 à 18 grandes équipes des principaux championnats, avec des play-offs en fin de saison. Les clubs seraient assurés d'un nombre de matches fixes chaque saison, et des droits TV afférents.
Pourquoi est-ce inacceptable pour l'UEFA?
«Les principes de solidarité, promotion, relégation et de ligues ouvertes sont non négociables», assure l'UEFA, «c'est ce qui fait que le football européen fonctionne et que la Ligue des champions est la meilleure compétition de sport au monde».
La confédération européenne refuse de «détruire» sa compétition reine et assure qu'une Superligue deviendrait «inévitablement ennuyeuse» en contraignant des équipes habituellement dominantes dans leur championnat respectif à jouer le ventre mou de cette nouvelle compétition.
Même rejet du côté des championnats nationaux et des fans: «La position de la majorité des groupes aujourd'hui, est celle d'un appel à la solidarité» en cette période de crise sanitaire, explique à l'AFP Ronan Evain, directeur général du réseau Football Supporters Europe (FSE). «Pas à une révolution qui ferait exploser (...) toute chance pour les supporters d'équipes moyennes d'accéder un jour à une compétition européenne.»
Tous les gros clubs sont-ils partants?
Non. En Allemagne, le Bayern et Dortmund par exemple sont très attachés à la Bundesliga, compétition préférée des supporters. «C'est un choc des cultures», a lâché le patron du Borussia Hans-Joachim Watzke. En Italie, l'administrateur délégué de l'AC Milan Ivan Gazidis, estime qu'«il ne peut y avoir des propositions qui conduisent à une rupture avec les championnats nationaux».
Côté Paris SG, le président Nasser Al-Khelaifi siège personnellement au comité exécutif de l'UEFA, hostile au projet, tandis qu'Andrea Agnelli, patron de la Juventus, est très proche d'Aleksander Ceferin, président de l'UEFA.
«Il ne faut pas s'enflammer sur le projet de Superligue», fait valoir un dirigeant de club européen. «Il ne se passera rien tant que, 1. l'UEFA n'aura pas validé son projet de nouvelle Ligue des champions (à l'horizon 2024, NDLR), 2. tant que les Anglais n'auront (...) pas obtenu les réformes qui rendront leur Premier League plus compétitive.»
Le projet est-il réaliste?
Dans l'état actuel des calendriers, non. Pour caser une Superligue dans la saison, il faudrait soit tronquer les championnats nationaux, soit réduire drastiquement les rendez-vous des équipes nationales, soit entrer en concurrence directe avec la très prestigieuse Ligue des champions.
Le cas s'est produit au basket, et les meilleurs clubs sont restés fidèles à l'Euroligue, au détriment des nouvelles compétitions. Certains estiment également que les droits TV d'une telle compétition seraient très inférieurs à ce qu'en attendent ses promoteurs.
«Les télévisions ne veulent pas de Superligue. Elles veulent une bonne Liga espagnole, une bonne Serie A, une bonne Bundesliga, beaucoup de produits, pas un seul», assure à l'AFP Javier Tebas, président de la Liga.
Projet réel ou coup de bluff?
Plusieurs acteurs du football voient dans ce projet un levier de pression avant la renégociation des droits TV et du format de la Ligue des champions en 2024.
«Ces projets sortent toujours au moment où l'UEFA discute de ses nouveaux droits sur trois ans, et on voit apparaître des stratégies, à mon avis, de pression», remarque Tebas.
A chaque réforme précédente, l'UEFA a en effet fini par accepter plus d'équipes des grands championnats dans sa compétition reine. Elle pourrait être poussée à organiser des phases de groupes plus longues pour assurer plus de matches.
Que dit la FIFA?
Difficile d'imaginer un tel «big bang» sans l'aval de la FIFA... qui dément pourtant soutenir le projet: «Je m'intéresse à la Coupe du monde des clubs, pas à la Superligue», a déclaré la semaine dernière Gianni Infantino, le patron de la FIFA, qui rêve d'un Mondial des clubs élargi.
La FIFA «tente de trouver des sources de revenus additionnelles», analyse Kieran Maguire, maître de conférence à l'Université de Liverpool spécialisé en économie du football.
Et l'instance mondiale pourrait envisager de «voler les joyaux de la couronne de l'UEFA, à savoir la Ligue des champions» pour monter sa propre compétition avec les meilleurs clubs, prévient-il.