Plusieurs footballeuses internationales espagnoles, la plupart en grève depuis l'affaire Rubiales, se sont présentées mardi au rassemblement de leur sélection. Elles avaient pourtant affirmé la veille qu'elles ne souhaitaient pas rejouer avec la Roja.
A la mi-journée, six joueuses, dont la défenseuse du Real Madrid Olga Carmona, qui a marqué le but vainqueur en finale de la Coupe du monde le 20 août face à l'Angleterre, ont rejoint leur sélectionneuse et son staff dans un hôtel près de l'aéroport de Madrid, a constaté une journaliste de l'AFP. Elles se sont ensuite envolées pour Oliva, près de Valence, où la Roja doit préparer son déplacement en Suède vendredi en Ligue des nations.
Cinq d'entre elles étaient signataires du communiqué publié vendredi, dans lequel 39 joueuses, dont 21 des 23 championnes du monde, annonçaient que les conditions n'étaient pas réunies pour qu'elles rejouent avec l'Espagne.
Elles demandent des changements structurels profonds au sein de la Fédération espagnole de football (RFEF), estimant insuffisants la démission de son président Luis Rubiales suite à son baiser forcé imposé à Jenni Hermoso, et le licenciement du sélectionneur Jorge Vilda, dont elles critiquaient les méthodes.
«Appliquer la loi»
Interrogée par un journaliste qui lui demandait si elle était «heureuse» d'être dans l'équipe, la gardienne Misa Rodriguez a répondu «non», confirmant le fait que les grévistes revenaient contre leur gré, en raison des potentielles sanctions qu'elles risquent.
Même réponse pour Alexia Putellas, qui a rejoint ses coéquipières depuis l'aéroport de Barcelone, lorsqu'un journaliste lui a demandé comment se sentaient les joueuses. «Ben, mal» a soufflé la Catalane.
«Si les joueuses ne se présentent pas, le gouvernement doit appliquer la loi», avait prévenu le président du Conseil supérieur des Sports (CSD) Victor Francos à la radio Cadena Ser.
La loi espagnole sur le sport de 2022 stipule que ne pas se rendre aux convocations des équipes nationales constitue une infraction «très grave». Les amendes potentielles vont de 3000 à 30'000 euros, et les joueuses peuvent même perdre leur licence pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans.
Victor Francos, également secrétaire d'Etat aux sports, doit désormais se réunir avec les joueuses pour tenter de sortir de la crise, ont confirmé des sources proches du CSD à l'AFP.
«Venez et nous nous engageons à rendre possible ce que vous demandez», a déclaré plus tard M. Francos à la télévision publique espagnole, ajoutant que «si une joueuse ne se sent pas à l'aise (...) la chose la plus normale est qu'elle ne soit pas convoquée et qu'une autre le soit», excluant la possibilité d'une sanction.
A son arrivée à l'hôtel, la sélectionneuse Montse Tomé a assuré que les 20 joueuses en grève allaient accepter leur convocation. Elle avait créé la surprise lundi en annonçant une liste de quinze championnes du monde et d'autres joueuses, qui avaient demandé à ne pas être sélectionnées dans l'attente d'une refonte totale de la Fédération, mais pas Jenni Hermoso.
«Nous les soutenons»
Sur le compte X (anciennement Twitter) de la double Ballon d'Or Alexia Putellas, les internationales avaient ensuite réaffirmé leur volonté de ne pas être convoquées, tout en disant évaluer les «éventuelles conséquences légales» d'un refus de répondre à cet appel.
Ecartée par Tomé «pour la protéger», Hermoso a accusé la fédération espagnole d'"intimider et menacer" les championnes du monde. Réagissant aux propos de la sélectionneuse, la no 10 a demandé: «Me protéger de quoi, ou de qui ?».
«La protéger de quoi ? si tout va bien...» a ironisé Putellas avant son vol pour Valence.
«La RFEF n'a pas le droit de priver l'Espagne de son équipe nationale féminine, qui plus est après avoir remporté une Coupe du monde», a déclaré mardi le ministre espagnol de la Culture et des Sports, Miquel Iceta, demandant que la Fédération espagnole soit «un lieu de sécurité, de compétitivité et de professionnalisme.»
En plus du soutien du gouvernement, les championnes du monde ont reçu celui de leurs futures adversaires. «Si elles estiment qu'elles doivent boycotter pour que quelque chose se passe, il est clair que nous les soutenons», a assuré l'internationale suédoise Filippa Angeldahl.
La gardienne Hedvig Lindahl a écrit sur X qu'elles attendait «de l'UEFA et de la Fifa qu'elles protègent les actrices du jeu qu'elles supervisent plutôt que d'ajouter de la pression.»
L'Espagne doit affronter la Suède vendredi et la Suisse le 26 septembre en Ligue des nations, tournoi qualificatif pour les Jeux olympiques de Paris 2024, sans que l'on sache pour l'instant si les championnes du monde seront présentes sur le terrain.