Des fresques murales qui fleurissent aux hommages sportifs sans cesse rejoués, de la série TV sur sa vie aux procédures examinant son décès, ses dettes : Diego Maradona, un an après sa mort, reste présent dans la vie de millions d'Argentins, entré à 60 ans au panthéon national.
«Diego vit», «10 Eternel», «D1OS» (jeu de mots avec Dieu et no 10), «Merci Diego», Diego balle au pied, Diego embrassant la Coupe du monde (1986) avec des ailes d'ange, en Saint patron avec auréole et sceptre, marquant le but de «la main de Dieu» contre l'Angleterre (Mondial 1986). Diego enfant, adolescent, joueur, quinquagénaire barbu, etc.
Avec toutes sortes de légendes, dans toutes sortes de postures, des fresques, parfois géantes, ornent les murs de quartiers populaires de Buenos Aires, particulièrement à la Boca. Certaines réalisées avant sa mort, davantage après, elles immortalisent le «Pibe de oro» (gamin en or) disparu il y a un an quelques jours après son 60e anniversaire.
«Il est une idole à présent disparue. Ils n'ont pas pu lui faire une statue de son vivant, alors ils lui font des fresques murales, et elles vont se multiplier», prédit Sergio, fan de Maradona de 57 ans, devant l'une d'elles montrant le footballeur à plusieurs âges de sa vie.
Sans Diego, mais avec la Copa
Entre son anniversaire – il aurait eu 61 ans fin octobre – et l'anniversaire de sa mort le 25 novembre, Maradona est partout. Sur les écrans avec une série d'Amazon en neuf épisodes «Sueno bendito» (rêve béni) retraçant sa vie, et bientôt sur Star+ (Disney) un documentaire de deux heures en trois parties «Mas alla de Diego» (Au-delà de Diego).
Dans les stades bien sûr, avec une multitude d'hommages le 30 octobre, matches arrêtés à la 10e minute avec minute d'ovation, projection d'images ou hologramme de Maradona, match caritatif avec d'ex-gloires de l'Albiceleste 1986, ou bientôt (14 décembre) à Riad une «Coupe Maradona» entre le FC Barcelone et la Boca Juniors, deux des clubs phares de sa vie avec le Napoli.
Et dans la rue aussi, avec depuis un an des monuments inaugurés ici et là, comme à Santiago del Estero (nord) une statue en bronze de 5 m de haut, ou récemment à Santa Clara del Mar (sud) un ouvrage en béton de 13 mètres représentant Maradona jonglant de la tête.
Cette semaine, lors du «Jour du Militantisme» qui a rassemblé plusieurs milliers de manifestants en soutien du gouvernement péroniste de centre-gauche, sur les tee-shirts en vente aux stands des syndicats, trois visages dominaient: Peron (chef d'Etat en 1946-55 puis 73-74), son épouse Evita et... Maradona (qui n'a jamais caché ses sympathies péronistes). Trinité de l'Argentine populaire.
L'ironie, c'est que cette morose «première année sans Dieu», est aussi une année faste pour l'Albiceleste de Messi qui vient de se qualifier sans peine pour le Mondial 2022 et a remporté en juillet, une fois l'idole disparue, la Copa America, seul trophée que Maradona ne put lui apporter.
Expression de «l'argentinitude»
Dans la rubrique judiciaire aussi, Maradona reste dans l'actualité. Se poursuit une enquête pour «homicide involontaire» sur sa mort, d'une crise cardiaque alors qu'il était en résidence privée, en convalescence d'une opération neurologique: la justice veut savoir si Diego n'a pas été «abandonné» à une lente agonie faute de soins adéquats.
Dans des procédures distinctes, la justice est aussi saisie du partage de l'héritage, et ses deux filles aînées, Dalma et Giannina – Maradona a reconnu trois autres enfants – contestent à l'ex-avocat de la star l'usage de la marque commerciale. Une vente aux enchères a été ordonnée – trois véhicules, deux maisons, des montres, des vêtements – dont le produit ira non aux héritiers, mais aux dettes laissées par Maradona. Enfin une Cubaine, ex-liaison de Maradona, est venue cette semaine témoigner à Buenos Aires sur des abus par l'entourage de l'ex-star, en 2001. Elle avait 16 ans.
C'est la part d'ombre, l'autre pan de «Dieu», les frasques, les excès, les addictions, qui continuent de résonner outre-tombe. Mais font aussi partie de la vénération universelle, comme l'analysa le grand chroniqueur de l'Amérique latine, Eduardo Galeano : «un dieu un peu 'sale', le plus humain de tous les dieux».
«Un héros avec beaucoup d'imperfections» mais qui jusque dans «sa dégradation», sa «sensibilité», est «une expression de 'l'argentinitude'», résuma l'historien argentin Felipe Pigna.
ATS