Figure légendaire du football mondial pendant plus d'un demi-siècle comme joueur, entraîneur et dirigeant, Franz Beckenbauer est décédé dimanche à l'âge de 78 ans, a annoncé lundi la fédération allemande (DFB). L'Allemagne et la Bavière sont orphelines de leur «Kaiser».
Un des plus grands
«Franz Beckenbauer était définitivement le plus grand footballeur allemand de tous les temps, et par-dessus tout un homme formidable, que j'ai appris à connaître», a déclaré dans un communiqué Hans-Joachim Watzke, vice-président de la DFB.
Beckenbauer faisait partie des plus grands joueurs de l'histoire. Il a été champion du monde en tant que joueur (1974) et en tant qu'entraîneur (1990), comme le Brésilien Mario Zagallo qui est décédé la semaine dernière, et a ramené ensuite la Coupe du monde en Allemagne en 2006 en tant que dirigeant.
Une longue maladie et des questions sur la mort
Depuis plusieurs années, Beckenbauer s'était retiré à Salzbourg, ville autrichienne voisine de sa Bavière natale. Fatigué par la maladie, il avait progressivement réduit ses apparitions publiques.
«C'est avec une profonde tristesse que nous vous informons que mon mari et notre père Franz Beckenbauer s'est endormi paisiblement hier dimanche dans le cercle de sa famille», a indiqué la famille. «Nous vous prions de bien vouloir faire votre deuil en silence et de vous abstenir de toute question.»
Pour ses 75 ans à la fin de l'été 2020 en pleine pandémie de Covid-19, Beckenbauer avait évoqué la mort, et sa propre disparition, dans un documentaire de la télévision publique allemande ARD.
«La question est là: +Quand arrive ce moment où l'on disparait dans une autre sphère?+. Ou quelque part d'autre et on ne sait pas exactement où. Le monde est assez grand, il y a suffisamment de cachettes où l'on peut atterrir. Mais cette incertitude me préoccupe».
Début janvier 2023, le «Kaiser» avait dû renoncer à se rendre au Brésil pour les obsèques du «Roi» Pelé, avec qui il avait disputé une saison sous le maillot du Cosmos de New York. En août de la même année, il avait manqué le traditionnel rassemblement annuel des champions du monde allemands de 1990.
Le Bayern en fil rouge
Enfant de l'Après-guerre – il est né en septembre 1945 – dans le quartier ouvrier de Giesing dans le sud de Munich, Beckenbauer a appris à jouer au foot dans le club local du SC 1906 Munich avant de se tourner vers le Bayern, après s'être refusé au rival munichois de 1860.
Franz Beckenbauer était arrivé au Bayern Munich en tant que junior et s'est rapidement imposé comme un élément-clé du club munichois. Il a notamment remporté quatre titres de champion national, a gagné trois fois la Coupe d'Europe des clubs champions et a remporté la Coupe du monde des clubs
Avec son élégance et sa légèreté sur le terrain, «Kaiser Franz» a redéfini le rôle du libéro et a couronné sa carrière en remportant la Coupe du monde à domicile en 1974. Deux ans plus tôt, il avait mené la «Mannschaft» au sacre européen.
Après quelques années passées aux États-Unis au Cosmos New York, où il joua avec Pelé dans une équipe légendaire, Beckenbauer revint en Allemagne et remporta encore un titre de champion avec le SV Hambourg en 1982.
Le Bayern aura été le fil rouge de sa carrière, plus de cinq décennies dans le monde du football au cours desquelles il aura vécu trois vies, une première de joueur dans les années 1960 et 1970, une deuxième d'entraîneur dans la seconde moitié des années 1980, et une dernière de dirigeant dans les années 1990 et 2000, couronnées de succès et conclues sur des soupçons de corruption.
Une légende du football
Vainqueur de la Coupe d'Europe des clubs champions en 1974, 1975, et 1976 avec le Bayern, champion d'Europe en 1972 et du monde en 1974 avec la Mannschaft, Ballon d'Or en 1972 et 1976 (une rareté pour un défenseur), Beckenbauer a remporté tous les trophées possibles pour un joueur.
Mais il a aussi construit sa légende sur des revers, comme cette demi-finale du Mondial 1970 perdue contre l'Italie, restée comme le «match du siècle», qu'il finit le bras en écharpe après s'être cassé la clavicule droite.
Au sommet à la tête de la Mannschaft
Après l'élimination de l'Allemagne en phase de poules de l'Euro 1984, Franz Beckenbauer devint sélectionneur national, même en l'absence d'un diplôme d'entraîneur, et mena l'équipe en finale de la Coupe du monde 1986 contre l'Argentine (défaite 3-2). Quatre ans plus tard, il prit sa revanche sur Diego Maradona & Cie en remportant le Mondial italien.
Beckenbauer, qui sortit de sa retraite pour entraîneur un Bayern en crise au milieu des années 1990, fut ensuite l'homme fort de la candidature à l'organisation de la Coupe du monde 2006, la Fédération allemande (DFB) utilisant alors tout le charisme de l'ancien libéro.
Une grosse ombre au tableau
Ce Mondial constitua l'apogée de Beckenbauer en tant que dirigeant, mais le rêve vira au cauchemar. Des accusations ont été portées lorsque des paiements douteux ont été rendus publics. D'anciens politiciens allemands de premier plan avaient pris sa défense dans ce scandale.
Ces accusations concernant l'attribution de la Coupe du monde avec des paiements douteux de plusieurs millions, ont un goût d'inachevé. A l'été 2019, le Ministère public de la Confédération avait séparé la procédure pour suspicion d'escroquerie contre lui de celle des co-accusés. Finalement, elle a été prescrite, tout comme celle contre trois de ses proches compagnons de l'époque.
Chroniqueur pendant 34 ans dans le quotidien populaire Bild jusqu'en 2016, star des plateaux télé et des spots publicitaires pendant et après sa carrière, le «Kaiser» Franz se sera invité dans le quotidien des Allemands pendant un demi-siècle et laisse un vide béant.