La vie de Luca Loutenbach a basculé l'été passé, lorsqu'il est devenu le symbole de la libération helvète lors du quart de finale de l'Euro 2020 mettant aux prises la Suisse et la France, qui s'est soldé par une victoire historique des joueurs de Vladimir Petkovic. Plus de sept mois après son buzz retentissant, nous avons pris des nouvelles du Jurassien. Interview.
Luca Loutenbach, près de huit mois après la victoire de la Suisse contre la France (3-3, 4-5 tab) en huitièmes de finale de l'Euro 2020 et votre buzz, quels souvenirs gardez-vous de cet événement ?
«Les principaux souvenirs que je garde sont liés au foot, tout d'abord parce qu'une qualification de la Suisse pour les quarts de finale était un événement historique. J'attendais ce moment depuis tellement longtemps. Ce n'était pas ma première compétition ni mon premier match puisque je suis la Nati assidûment depuis six ans, mais c'était clairement le plus beau. Cet Euro m'a aussi permis de découvrir ou redécouvrir plein de pays, que ce soit la Roumanie, l'Azerbaïdjan en phase de poules ou encore la Russie. Je garde donc surtout de beaux souvenirs sportifs en dehors du buzz.»
Justement, comment avez-vous vécu cette soudaine notoriété ?
«On m'a souvent posé cette question et j'ai toujours eu du mal à répondre. Je suis quelqu'un d'assez introverti et surtout je ne suis pas du tout dans cette mouvance "influenceurs et réseaux sociaux". Du coup pour moi ça a tout de suite été très clair que je ne voulais pas surfer sur ce buzz pour me faire une notoriété ou de l'argent. Mais globalement je l'ai plutôt bien vécue car c'est une bonne image de moi qui a été véhiculée.»
Est-ce qu'à un moment donné vous vous êtes senti dépassé par cet engouement ?
«Les premiers jours oui. J'ai rapidement dû retourner au travail car mes vacances se terminaient quelques jours seulement après le match et à ce moment-là c'était vachement prenant. J'avais énormément de sollicitations de la part des médias, de sponsors et des gens qui m'écrivaient sur les réseaux sociaux. J'ai eu la chance d'avoir quelques amis qui ont pris le lead et m'ont aidé à répondre aux messages, créer un compte Instagram ou encore faire les premières démarches pour protéger mon image. Si je n'avais pas été entouré ça aurait pu être vraiment trop.»
On parle ici des jours qui ont suivi le match, mais ce buzz a-t-il changé votre vie à plus long terme ?
«Au début, je m'imaginais que ça allait être hyper éphémère, mais maintenant je pense pouvoir dire que ça a changé ma vie, principalement parce qu'aujourd'hui encore tout le monde me reconnaît. Sept mois plus tard, que ce soit au Jura où je vis ou partout ailleurs en Suisse, on me reconnaît. Ça finira sûrement par s'arrêter, mais dans quelques années. Je ne pensais pas que cette image resterait aussi longtemps dans la mémoire des gens. Pas plus tard que ce week-end, alors que j'étais dans un bar à Zurich, des gens à la table d'à côté m'ont reconnu et sont venus me voir, m'ont offert une bière et on a pris un selfie. C'est typiquement le genre de situation qui ne m'arrivait jamais avant, forcément. C'est fou quand j'y pense que des gens me reconnaissent et veuillent prendre une photo avec moi alors que je n'ai rien fait de spécial.»
«Ça a été un peu compliqué à gérer quand c'était encore chaud. Typiquement, quand je suis allé à la Foire du Valais deux ou trois mois après, je n'ai pas eu une minute à moi dans la soirée. Là c'était un peu envahissant mais maintenant ça va, c'est une question d'une ou deux personnes par soirée et ce sont des contacts sympas et bienveillants.»
Au cours des mois qui ont suivi votre buzz, avez-vous vécu des situations cocasses liées à votre «célébrité» ?
«J'ai reçu quelques demandes un peu particulières, comme par exemple une chaîne de télévision russe qui m'a proposé de tourner dans une téléréalité. De plus, comme il y a pas mal de gens qui m'écrivent sur Instagram, certains m'envoient parfois des choses assez loufoques comme des photos d'eux nus (rires). Après, les réactions les plus extrêmes auxquelles j'ai été confronté dans la vraie vie, c'était à la foire du Valais, lorsque des gens essayaient de m'embrasser. Maintenant je me dis toujours qui si ça m'était arrivé dans un pays autre que la Suisse, où les gens sont plus intrusifs, ça aurait pu être bien pire.»
Par rappel, vous aviez notamment reçu un billet d’avion pour aller à Saint-Pétersbourg assister au quart de finale de la Nati contre l’Espagne, est-ce qu’aujourd’hui vous profitez encore de certains avantages ?
«Non, pas du tout et ce n'était pas mon but. Maintenant, ça m'a fait plaisir que les gens aient été touchés par les émotions que j'ai véhiculées et j'ai pris ces quelques avantages comme un signe de reconnaissance.»
Vous avez mis votre visibilité au profit de la fondation IdéeSport. Pouvez-vous nous parler de cette démarche ?
«Tout s'est fait assez naturellement. IdéeSport m'a contacté alors que j'avais pour projet d'aider une association qui soit en lien avec la raison de mon buzz, donc le sport, et proche de mes valeurs. Cette fondation cochait toutes les cases. Avec un ami on a donc mis en place une vente de t-shirts en organisant quelques stands en Suisse romande et en créant un site Internet. Le but était de montrer qu'on pouvait utiliser ce buzz pour faire une bonne action.»
L’agenda de la Nati est actuellement vide, mais alors comment est-ce que vous occupez votre temps libre ?
«Entre notamment mon travail et le sport que je pratique, car je ne fais pas qu'en regarder (rires), j'ai déjà pas mal de choses à faire. Et puis je supporte aussi le HC Ajoie, donc j'ai toujours quelque chose à aller voir.»
Savez-vous déjà quand vous retournerez voir l'équipe de Suisse ?
«La prochaine échéance c'est la Ligue des nations cet été. Je vais faire les déplacements en République tchèque et au Portugal.»
Ferez-vous également le déplacement au Qatar à la fin de l'année pour le Mondial ?
«Cet événement est un non-sens absolu à mes yeux donc pour moi ce sera un boycott clair et net.»
Un pronostic pour votre équipe de coeur malgré tout ?
«Le sentiment est particulier parce que d'un côté j'espère pour les joueurs et tout l'entourage de l'équipe qu'ils aillent le plus loin possible, mais d'un autre côté c'est une Coupe du monde qui est tellement aux antipodes de mes valeurs que j'ai du mal à m'en réjouir. Maintenant, sur le papier, je pense qu'on sera encore meilleurs qu'à l'Euro. Pour moi, ils peuvent nous faire un quart de finale à la Coupe du monde.»
Finalement, si tout cela était à refaire, vous signeriez ?
«Oui (rires). De toute façon il y a des choses dans la vie qu'on ne maîtrise pas forcément et c'est ça qui en fait un peu le sel. Avec ça, j'aurais une histoire à raconter à mes petits-enfants.»