Peter Gilliéron a exercé cinq mandats à la présidence de l'ASF. Son bilan peut être qualifié de bon.
Elu en 2009 puis réélu à quatre reprises, Peter Gilliéron (66 ans) a été un président gâté pendant dix ans. Surtout par une équipe de Suisse aux résultats admirables, qui a été la pierre angulaire de cinq mandats au cours desquels l'ASF a changé de statut.
«L'ASF était en bon état quand j'ai accédé à la présidence», rappelait le Bernois en décembre dernier, lors d'un long entretien avec Keystone-ATS. Je pars sur trois qualifications pour les 8es de finale dans les grands tournois. La Suisse s'est habituée à participer aux phases finales, tandis que, quand j'ai commencé comme secrétaire général, au moment de la Coupe du monde 1994, nous attendions depuis 28 ans. Aujourd'hui, une non-qualification est déjà de l'ordre du scandale ! La situation financière est parfaite, le football féminin a fait des progrès ces dernières années. Donc, en résumé, l'ASF est toujours en bon état.»
Les chiffres parlent en faveur du président sortant: un budget passé de 45 mio de francs en 2012 à quelque 70 mio aujourd'hui, avec un chiffre d'affaires et des bénéfices eux aussi en nette hausse, essentiellement grâce au boum des droits TV et aux résultats de la sélection nationale. «Tant qu'elle se qualifiera pour les grands tournois, il n'y aura pas de problème financier, pour autant que nous ne soyons pas trop dépensiers. Nous commencerions à avoir certaines difficultés si nous ne participions pas à deux tournois consécutifs», reconnaissait Gilliéron.
L'avocat, par son entregent, a été un président rassembleur n'ayant jamais cherché à se mettre dans la lumière, que ce soit à l'ASF ou à l'UEFA (il est membre de son comité central). Discret et pondéré, Peter Gilliéron a très bien assumé la succession de Ralf Zloczower – l'artisan de la coorganisation de l'Euro 2008 avec l'Autriche -, s'inscrivant dans une forme de continuité tout en accompagnant le développement global de la Fédération.
Accompagnateur, pas réformateur
Le président n'a toutefois pas été l'homme des grandes réformes ni des chambardements, ayant peut-être sous-estimé la nécessité d'adapter les structures d'une ASF qui n'a pas vraiment pensé à se moderniser en même temps que son football professionnel. «J'aurais dû anticiper les péripéties que nous avons connues l'été dernier, acquiesçait-il. Je regrette peut-être de ne pas avoir réagi plus tôt.» Ces crises estivales – aigle bicéphale, affaires Miescher et Behrami – ont donné l'impression d'un amateurisme qui a coûté sa place à Peter Gilliéron.
Car, bien qu'il ait initialement prétendu le contraire, le Bernois envisageait bel et bien de briguer un sixième mandat. «En 2009, je me suis dit que je ne ferai pas plus de huit ans. Je voulais partir en 2017, mais je me suis laissé convaincre de faire deux ans de plus. J'étais peut-être en train de me laisser convaincre de rester jusqu'en 2021. Je pense, en toute honnêteté, que j'aurais été capable de me laisser convaincre encore une fois... Mais j'ai réalisé qu'il était temps de partir, après les affaires, qui ont joué un rôle dans ma décision», avait-il avoué en décembre.
Or cette gestion hasardeuse (de la communication surtout) est une carence presque historique de l'ASF et Gilliéron ne le savait que trop, lui qui s'était retrouvé à plaider la cause d'Alexander Frei devant l'UEFA lors de l'affaire du crachat sur Steven Gerrard pendant l'Euro 2004.
Petkovic et Hitzfeld
En dix ans de présidence, le Bernois estime n'avoir traversé qu'un seul véritable cauchemar, en 2011, quand les autorités internationales menaçaient la Suisse de suspension en raison de l'affaire FC Sion. Il dit aussi que ses deux plus grandes fiertés de dirigeant ont été la nomination à la tête de la sélection de Vladimir Petkovic – qui est statistiquement le sélectionneur suisse ayant connu le plus de succès – et la prolongation jusqu'en 2014 «alors qu'il y avait beaucoup de monde en désaccord» du contrat d'Ottmar Hitzfeld en mars 2011, tandis que l'Allemand et son équipe étaient en train d'échouer dans les éliminatoires de l'Euro 2012.
Au final et en dépit de quelques erreurs, le bilan de Peter Gilliéron reste bon. Et l'ASF (250 000 licenciés) est même allée «plus loin» que ce que le Bernois ambitionnait. «Je ne suis pas un rêveur, mais si je l'avais été, mes rêves auraient été surpassés par ce que nous avons vécu.»