"Je hais la défaite !" Ce mardi 18 décembre au soir d'une défaite 2-0 à Düsseldorf - la première de la saison du Borussia Dortmund en Bundesliga -, Lucien Favre tombe le masque. Celui que toute l'Allemagne surnomme "le professeur", avec un respect non feint, a basculé en mode guerrier.
Malgré la sagesse qui l'a accompagné durant toute sa carrière, une sagesse qui est sans doute celle des gens de ce Gros-de-Vaud dont il vient, Lucien Favre ne peut plus se cacher. 2019 doit être son année. Enfin à la tête d'un club qui peut vraiment s'inviter à la table des grands, il peut encore jouer sur les trois tableaux: le championnat avec cette place de leader fort d'un avantage de six points sur le Bayern Munich, la Ligue des Champions avec un huitième de finale contre Tottenham et la Coupe d'Allemagne avec un troisième tour face au Werder Brême.
Un véritable miracle
Considéré aujourd'hui comme l'un des dix meilleurs entraîneurs du monde mais ignoré de manière ridicule dans la dernière liste des nominés des mérites sportifs suisses - ou plutôt alémaniques - de l'année, Lucien Favre a réussi un véritable miracle ces derniers mois à Dortmund. Il a redonné ses lettres de noblesse à un club qui avait connu des mois d'errance. Faute sans doute de n'avoir pas pu le recruter au printemps 2017 alors qu'il venait de hisser Nice sur le podium de la Ligue 1.
Mais il y a dix-huit mois, l'offre du BVB était prématurée pour un entraîneur qui a toujours tenu à rester au moins deux ans en fonction dans ses clubs. C'est pourquoi il n'a pas rejoint le Bayern Munich en 2012 alors qu'il avait, en moins de dix-huit mois, sauvé miraculeusement le Borussia Mönchengladbach de la relégation avant de le conduire au tour préliminaire de la Ligue des Champions.
Comme à Nice où il avait bâti un système pour permettre à Mario Balotelli d'exprimer tout son talent (un Mario Balotelli qui est aujourd'hui en grande souffrance), Lucien Favre a recherché à Dortmund le schéma de jeu qui convient à merveille à Marco Reus. Le Vaudois a, ainsi, fait de son capitaine, qu'il avait dirigé à Mönchengladbach, l'homme de base de son 4-2-3-1. Avec ses 11 buts et ses 9 passes décisives, l'international traverse à 29 ans le plus beau moment de sa carrière. Placé derrière le centre-avant, Mario Götze ou Paco Alcacer, il orchestre la manoeuvre avec un rare brio.
Mais Lucien Favre ne serait pas Lucien Favre s'il ne faisait pas éclore de véritables pépites. On pense ainsi aux défenseurs Dan-Axel Zagadou (19 ans) et Achraf Hakimi (20 ans), et, bien sûr, à l'extraordinaire Jadon Sancho (18 ans). Déjà international anglais, l'ancien junior de Manchester City a survolé ce premier tour grâce à son tranchant dans le un-contre-un et son art de la dernière passe.
Rien n'est acquis
Malgré toute la valeur de son contingent, au sein duquel Roman Bürki et Manuel Akanji tiennent une place prépondérante, Lucien Favre sait que rien n'est acquis. Que le Bayern Munich demeure un adversaire très redoutable. "La première mi-temps du Bayern contre nous le 10 novembre fut extraordinaire", se souvient le Vaudois.
Seulement ce jour-là, les Bavarois, à l'image de Frank Ribéry, n'avaient pas tenu la distance pour s'incliner 3-2 après avoir pourtant mené à deux reprises au score. C'est pourquoi Lucien Favre espère que ses dirigeants agiront lors du mercato de janvier pour donner encore plus de corps à son équipe. Et on ne fait pas mystère à Dortmund que Kevin Mbabu est un joueur suivi de près. On n'ose imaginer le pas en avant que pourrait faire le joueur des Young Boys s'il se retrouve sous les ordres du technicien vaudois.
Champion de Suisse avec le FC Zurich en 2006 et en 2007, Lucien Favre entend donc enrichir son palmarès qui comprend également deux victoires en Coupe de Suisse avec le Servette FC et le FC Zurich. Gagner la Bundesliga avec le Borussia Dortmund assiéra définitivement sa légitimité. Mais un tel titre ne bouclera pas la boucle d'une carrière d'entraîneur entamée il y a plus de 25 ans à Echallens. "Je suis sûr d'une chose: Dortmund ne sera pas sa dernière étape, affirme à Keystone-ATS Granit Xhaka, qui sait tout ce qu'il doit à Lucien Favre. Vous verrez, il ira exercer dans un club encore plus grand que le BVB !"