De Michel Platini, il n'a longtemps été question que des coups francs lumineux ou du réformateur à l'UEFA. Mais déboires et affaires ont fini par troubler puis écorner son image.
Quand le 29 juillet 2015, Platini --alors président de l'UEFA-- annonce être candidat à l'élection pour la présidence de la Fifa, il est donné grand favori. Plus dure sera la chute.
Il y aura d'abord ce fameux paiement de 1,8 million d'euros de Sepp Blatter, président de la Fifa, au Français en 2011 pour un travail de conseiller achevé en 2002, sans contrat écrit, auquel s'intéresseront d'abord la justice civile suisse, puis la justice sportive de la Fifa.
Les deux hommes seront suspendus par la Fifa et perdront leurs postes avant le procès tant attendu prévu à partir de mercredi et jusqu'au 22 juin à Bellinzone (Suisse).
Platini et Blatter sont poursuivis pour «escroquerie», «gestion déloyale», «abus de confiance» et «faux dans les titres».
En octobre 2015, Blatter --mentor puis meilleur ennemi de Platini-- avait aussi jeté un pavé dans la mare, invoquant une «interférence gouvernementale de Nicolas Sarkozy» qui aurait entraîné une volte-face de l'ancien meneur de jeu pour voter en décembre 2010 en faveur du Qatar comme hôte du Mondial-2022.
Garde à vue
Platini sera placé en garde à vue en juin 2019 dans le cadre d'une enquête sur «une réunion secrète» au Palais de l'Elysée le 23 novembre 2010, à laquelle il a participé en compagnie de M. Sarkozy et du Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani (devenu depuis émir du Qatar).
Aucune charge n'a pour l'instant été retenue contre lui dans les investigations menées depuis 2016 par le Parquet national financier (PNF) pour «corruption privée», «association de malfaiteurs», «trafic d’influence et recel de trafic d’influence».
Ce affaires ont terni l'aura de ce petit-fils de modestes immigrés italiens dont la trajectoire fut longtemps linéaire.
Et spectaculaire, de son enfance à Joeuf (est de la France) à la présidence de l'UEFA décrochée en 2007, en passant par la gloire avec la Juventus Turin, la victoire à l'Euro-1984 et trois Ballons d'Or, record pour un Français (1983, 1984, 1985), ou encore le Mondial-1998 en France dont il fut l'un des grands ordonnateurs.
Seul bémol, un bilan mitigé en tant que sélectionneur de l'équipe de France de 1988 à 1992.
Même la tragédie du stade du Heysel, qui avait fait 39 morts le 29 mai 1985 à Bruxelles, n'avait pas entamé son amour du football.
Platini avait joué et gagné la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions contre Liverpool (1-0) juste après les scènes d'horreur, mais confié que cette finale ne l'avait «pas quitté» depuis.
Légèreté avec l'argent
Ses amis assurent que l'homme n'a jamais changé, même si la tignasse bouclée s'est clairsemée, blanchie, et qu'un embonpoint de notable a alourdi sa silhouette. «Platoche» --surnom qu'il déteste-- a conservé son côté potache, voire chambreur.
«Ce n'est pas parce que tu as tiré les boules (lors des tirages au sort) que tu peux représenter la Fifa», a-t-il ainsi taclé l'actuel président de la Fifa, Gianni Infantino, qui fut son N.2 à l'UEFA, dans une table ronde avec quelques journaux européens en juin 2019.
Platini a toujours plaidé la bonne foi. Pour l'affaire des 1,8 M EUR, il avait ainsi déclaré en juin 2019: «Mon histoire s'apparente aux Dix petits nègres d'Agatha Christie: tout le monde a mis son coup de couteau au moment où il fallait le mettre pour ne pas que je sois président (de la Fifa)».
Reste que ce dossier a mis au jour une certaine légèreté dans son rapport à l'argent. Au Monde, il avait raconté en ces termes la genèse du contrat: «+Combien tu veux?+, demande Blatter. Je réponds: +Un million+. +De quoi?+, +De ce que tu veux, des roubles, des livres, des dollars.+ A cette époque, il n'y a pas encore l'euro. Il répond: +D'accord, un million de francs suisses par an.+»
Les liens de Platini avec l'argent sont ainsi brutalement apparus en pleine lumière. A Saint-Etienne, où il a été sacré champion de France (1981) après avoir remporté la Coupe de France avec Nancy (1978), son nom avait déjà été au coeur de l'affaire de la caisse noire qui servait à payer les salaires des meilleurs joueurs.
Platini fut aussi cité dans les «Panama Papers», grande enquête sur les paradis fiscaux. Il avait alors fait savoir à l'AFP «que l'intégralité de ses comptes et avoirs (étaient) connus de l'administration fiscale suisse, pays dont il est résident fiscal depuis 2007».