De chez lui, Joël Magnin a pu se donner le temps de réfléchir. L'entraîneur de Neuchâtel Xamax vit sa première saison avec des professionnels, après de nombreuses années passées à la formation à Young Boys. Le coach de la Maladière fait le point avec Keystone-ATS sur ce qu'il peut tirer de cette période de confinement.
Comment l'entraîneur peut-il se servir de cette période pour sa pratique du métier?
«Je lis pas mal, par exemple des interviews d'autres entraîneurs. Cela m'aide à analyser ce qu'on peut faire de mieux. Au final, on réfléchit beaucoup sur soi-même.»
Quels constats avez-vous pu tirer?
«D'un côté, il y a beaucoup de choses qui ont bien fonctionné, mais d'un autre, j'ai dû m'adapter. La différence principale entre la Super League et les juniors se situe au niveau de la gestion de l'humain. Par exemple, au début de cette interruption, le staff voulait en profiter pour s'entraîner plus dur. Mais nous n'avions pas bien évalué l'effet du moral sur les joueurs face à cette incertitude. Alors nous avons réfléchi et discuté ensemble pour trouver une solution.»
Cela change beaucoup par rapport aux jeunes?
«Le jeune, on lui dit quoi faire et il le fait sans beaucoup questionner. Alors qu'avec le professionnel, il faut argumenter et trouver un chemin ensemble, qui correspond idéalement à mes idées.»
N'est-ce pas usant?
«A Xamax, nous n'avons pas les possibilités financières pour tout changer. Alors il faut tout faire pour garder concernés les joueurs que nous avons. Cela a été un nouveau défi à appréhender pour moi.»
Avec le recul, quel regard posez-vous sur cette première saison?
«J'ai toujours accordé de l'importance à la progression, et il y en a eu une entre juillet et février. Il y a certes eu des phases très compliquées, mais personne n'a lâché. Je m'attendais forcément à ce qu'on soit dans cette partie du classement, car elle correspond aux possibilités du club. Mais avant la pause forcée, nous étions sur une bonne phase, avec quatre points en deux matchs.»
Sur quels aspects votre équipe a-t-elle progressé?
«Le mental, notamment. Il fallait être forts quand nous étions menés, faire attention au goal-average et rester solidaires. Et puis, défensivement, nous sommes parvenus à encaisser moins de buts. C'est un aspect que nous avons entraîné intensivement.»
Votre méthode intègre beaucoup la discussion.
«Oui, après chaque match, nous analysons tous la rencontre. Et nous faisons des séances que j'appelle «machines à laver», où l'on se dit les choses en face. Et la porte de mon bureau est toujours ouverte.»
Avez-vous ressenti la pression dans ce projet pour lequel vous avez été spécifiquement recruté?
«Tout le monde a la pression, il faut y survivre. Mais je vais tous les jours à l'entraînement pour prendre de l'expérience. La pression est là et même si la pause a permis de décrocher un peu, il manque désormais quelque chose, cette adrénaline.»
A quel point êtes-vous allé jusqu'au bout de vos idées cette saison?
«C'est l'équipe que l'on a à disposition qui donne la stratégie et la tactique à adopter. Quand je suis arrivé, l'équipe était faite et c'est elle qui dicte par rapport à ses qualités. L'entraîneur ne peut jamais arriver vraiment là où il veut. C'est sûr que j'aimerais pouvoir presser haut, créer du spectacle. Mais cette équipe a d'autres qualités et c'est aussi une satisfaction de voir une équipe qui aime défendre et se sent à l'aise dans ce qu'elle fait. Je reconnais que ce n'est pas toujours spectaculaire, mais il faut savoir être efficace.»
Auriez-vous pu faire différemment?
«Nous l'avons fait pendant des moments dans certains matchs. Nous avons pu commencer avec un pressing agressif parfois. Mais nous n'arrivons pas à le faire tous les matchs pendant 90 minutes.»
Pourquoi? Votre équipe est-elle trop vieille pour ça?
«Je ne dirais pas vieille, mais expérimentée. Et pour presser, il faut une capacité de récupération rapide entre les efforts. Ce qu'ont les jeunes joueurs, comme à Saint-Gall, Salzbourg ou Leipzig. Nous, nous avons des joueurs qui sont plus à l'aise en défendant bas.»
Votre confiance en vous a-t-elle parfois été altérée?
«Dans les phases où l'on ne gagne pas, on se pose certaines questions. Mais je suis toujours resté positif. En tant qu'entraîneur, il faut être le fer de lance et ne pas commencer à douter car cela se reflète sur l'équipe ensuite. Il faut savoir garder le moral et avoir la capacité de résilience de se relever après une chute. Surtout quand on se situe à ce niveau de classement.»