Copa América Meurtrie par les violences, la Colombie renonce

ATS

21.5.2021 - 17:14

21.5.2021 - 17:14

Jusqu'au bout, la Colombie a tenté d'accueillir sur son sol la Copa América, qu'elle devait co-organiser avec l'Argentine. Mais les manifestations émaillées de violences et de morts dans le pays depuis plusieurs semaines, ont finalement abouti à la délocalisation des matches.

La colère gronde en Colombie.
La colère gronde en Colombie.
Keystone

Bogota a pudiquement brandi la carte du Covid-19 pour demander un report «à la fin de l'année» de la compétition, selon le ministre des Sports Ernesto Lucena, dans un message aux médias.

La fronde sociale n'a rien à voir avec cette requête, a martelé le gouvernement.

«En ce moment, l'impossibilité de compter avec du public fait que la Copa n'est pas l'événement dont nous rêvons tous», a argumenté M. Lucena. «Nous demandons que la Colombie, tout comme l'Argentine, se voient accorder un délai qui permettra de réaliser cet événement de la meilleure manière possible avec des supporters dans les stades.» Mais la demande colombienne est restée lettre morte.

«Pour des raisons liées au calendrier international et à la logistique du tournoi, il est impossible de reporter la Copa América 2021 au mois de novembre», a répondu la Conmebol, l'instance dirigeante du football sud-américain.

Les lieux où seront déplacés les matches initialement prévus en Colombie seront annoncés ultérieurement, a-t-elle ajouté dans un communiqué.



Records de décès

La Copa América, prévue en 2020 en Argentine et en Colombie, avait déjà été décalée d'une année du fait de la pandémie. Elle doit démarrer dans trois semaines, le 13 juin, alors que l'Amérique latine, à l'approche de l'hiver austral, subit les coups de boutoir d'une troisième vague dévastatrice.

L'Argentine, aux 45 millions d'habitants, a connu 744 décès mardi, un nouveau record. En Colombie (50 millions d'habitants), près de 500 personnes ont péri en moyenne chaque jour cette dernière semaine, là aussi un sommet depuis le début de la pandémie.

Mais le tournoi devait de toute façon se jouer à huis clos et la Conmebol avait misé sur la vaccination du football professionnel sud-américain en répartissant 50'000 doses du vaccin chinois Sinovac.

«Il est frappant de constater qu'aujourd'hui on dit que la Coupe ne peut pas se dérouler parce qu'il n'y aura pas de monde dans les stades. Ce n'est pas crédible», observe le journaliste sportif Steven Arce, interrogé par l'AFP.

Car outre la pandémie, qui a fait passer de 37 à 42% le taux de pauvres dans le pays, la Colombie est également frappée par une fronde sociale, déclenchée par un projet d'augmentation des impôts pesant sur la classe moyenne.

Malgré le retrait du projet de loi, la répression policière a attisé une flamme contestataire qui ne s'est pas éteinte. Depuis le 28 avril, des manifestations antigouvernementales ont fait au moins 42 morts, dont un policier, et plus de 1.700 blessés. De nouvelles marches sont prévues prochainement.

«Symbole d'indignation»

«Les mépriser, les ignorer a transformé la Copa (América) en un symbole d'indignation pour les jeunes», analyse Steven Arce, qui qualifie l'organisation du tournoi dans ces circonstances «d'allumette dans un champ de pétrole».

La semaine dernière, la rencontre de Copa Libertadores entre l'América de Cali et le club brésilien de l'Atletico Mineiro, à Baranquilla, a été suspendue cinq fois à cause des gaz lacrymogènes utilisés pour disperser des protestataires près du stade où elle avait lieu.

Même si le gouvernement colombien présente le foot comme un symbole d'unité nationale, la tenue de la compétition à l'heure actuelle à Medellin, Cali, Bogota et Barranquilla, où doit se disputer la finale le 10 juillet, est inimaginable.

La Colombie avait accueilli la Copa América pour la première fois en 2001, au milieu d'un conflit sanglant qui s'intensifiait avec les Farc – alors la guérilla la plus puissante des Amériques – les insurgés de l'ELN et les paramilitaires de droite.

La compétition, rendez-vous phare du football sud-américain, avait alors été présentée comme un message d'espoir contre le terrorisme. Le gouvernement, qui négociait avec les Farc (dissoutes après les accords de paix de 2016), leur avait demandé une trêve durant le tournoi.

Mais aujourd'hui, le dialogue entre les autorités et les manifestants est stérile. «Les circonstances sont différentes, a remarqué Álvaro Fina, alors président de la Fédération colombienne de football, à la radio Caracol. Aujourd'hui, il y a une situation d'insécurité absolue.»

ATS