Heureux directeur des équipes nationales, Pierluigi Tami est, bien sûr, présent à Marbella où l'équipe de Suisse s'est réunie pour la première fois de l'année. Avant l'Angleterre – Suisse de samedi à Wembley qui ouvrira la saison de la formation de Murat Yakin, le Tessinois dresse les objectifs à atteindre. Il n'a pas peur de placer la barre très haut.
Pierluigi Tami, qu'est-ce qui pourrait vous amener en décembre prochain à considérer l'année 2022 comme une très belle année pour l'équipe de Suisse ?
«Nos ambitions sont de plus en plus grandes. Nous espérons ainsi nous qualifier pour le «Final Four» de la Ligue des Nations au détriment de l'Espagne, du Portugal et de la République tchèque. Lors de la phase finale de la Coupe du monde, le but est de faire aussi bien qu'à l'Euro 2021, soit une place en quart de finale. Mais je sais que tout se joue parfois sur un fil dans une rencontre. Un poteau rentrant ou un poteau extérieur. C'est pourquoi je serai, en tant que directeur des équipes nationales, plus sensible à la progression de l'équipe, aux perspectives qu'elle peut faire naître. A mes yeux, le juge de paix sera de conserver notre place parmi les 16 meilleures équipes du classement FIFA.»
Pour briller en Ligue des Nations et à la Coupe du monde, la Suisse devra être capable de battre les meilleurs, comme elle a pu le faire l'an passé face à la France. L'en croyez-vous toujours capable ?
«Ces dernières années, nous n'avons pratiquement jamais perdu contre l'Espagne, l'Allemagne, la France et l'Italie. Mais aussi pratiquement jamais gagné. Il est bien là le dernier pas à accomplir. Mais le dernier pas est toujours le plus difficile.»
La Suisse a-t-elle les talents pour y parvenir ?
«L'équipe de Suisse ne possédera jamais les qualités individuelles des grandes nations. Pour nous, il n'y a qu'une seule issue: bâtir un collectif de premier ordre pour justement être capable de battre les meilleurs. L'équipe a trouvé ce collectif qui lui permet de rivaliser au plus haut niveau. Elle peut, par ailleurs, s'appuyer désormais sur l'expérience des grands rendez-vous. Elle se nourrit enfin de la confiance acquise au fil des matches. Tout cela pour dire que les objectifs fixés sont élevés, c'est vrai, mais légitimes aussi.»
Depuis l'été dernier, l'équipe de Suisse a un nouveau sélectionneur. Quel a été l'apport de Murat Yakin jusqu'à présent ?
«Murat a su tourner les bons boutons en quelque sorte. Il a modifié notre système de jeu avec la défense à quatre sans changer le style de l'équipe. La Suisse demeure une équipe qui entend prendre les commandes du jeu. Mais elle est devenue plus hermétique sur le plan défensif. Elle n'encaisse pratiquement pas de buts (ndlr: 2 en 7 matches) et ne concède pas énormément d'occasions.»
L'équipe sera toutefois rattrapée en quelque sorte par le poids des ans après la Coupe du monde. Yann Sommer aura 34 ans, Xherdan Shaqiri 31 et Granit Xhaka 30. Comment y faire face ?
«Par la force des choses, nous avons dû l'automne dernier donner du sang neuf à l'équipe en raison de l'absence de plusieurs joueurs. Ainsi, un Ruben Vargas, un Noah Okafor et un Kastriot Imeri ont su saisir la chance qui leur a été offerte. Murat Yakin a eu l'intelligence de ne jamais parler des absents, de ne jamais se plaindre. Il a su insuffler une immense confiance aux nouveaux. Il a su admirablement les motiver sans toutefois leur imposer une pression démesurée.»
Murat Yakin passe pour un meilleur communicateur que son prédécesseur. Partagez-vous cet avis ?
«Vladimir Petkovic avait un mode plus «conservateur» dans sa relation avec les joueurs. Les rôles étaient clairement définis. Murat est plus jeune, plus ouvert. Vladimir Petkovic ne disait pas toujours ce qu'il pensait. Mais le groupe vivait bien avec lui. L'ambiance était bonne. Les deux hommes ont deux approches bien distinctes dans leur management. Je n'ai pas à trancher entre les deux. Ils ont tous deux eu du succès avec cette équipe. Et c'est bien là l'essentiel.»
L'équipe A n'est pas le seule à figurer dans votre cahier des charges. Quel regard portez-vous sur les autres sélections ?
«L'équipe A est notre locomotive. Mais à mes yeux, c'est l'équipe des M21 qui représente le mieux le football suisse. En équipe A, 80 à 90 % des joueurs évoluent à l'étranger. Les M21 forment, en revanche, la sélection de la Super League en quelque sorte. J'attache une grande importance à leurs résultats. Il était vital que cette équipe dispute l'an dernier la phase finale de l'Euro après une trop longue absence de dix ans. Elle est fort heureusement bien partie dans la course à la qualification pour l'Euro 2023. Nous devons veiller aussi à ce que les M19 et les M17 obtiennent également de bons résultats. La 32e place au classement de l'UEFA de nos M19 constitue, ainsi, une réelle inquiétude.»
Pourquoi donc ?
«L'UEFA entend reproduire le système de la Ligue des Nations au niveau des juniors. Cela signifie que nos M19 se retrouveraient en Ligue C avec l'impossibilité de rencontrer des adversaires de premier plan. Il faut donc tout faire pour que les M17 et les M19 participent à nouveau à des phases finales. Sinon, la pointe de la pyramide que nous avons su dresser sera fragilisée un jour ou l'autre.»