Relativement épargnés par le coronavirus, les Portugais ne pouvaient se passer de leur sport-roi, le football. La reprise à huis clos est promise pour fin mai et cruciale pour les finances des clubs.
Dans un pays qui ne compte qu'un peu plus d'un millier de morts pour dix millions d'habitants, le gouvernement a ouvert la voie jeudi dernier à la tenue des dix dernières journées du championnat et de la finale de Coupe du Portugal. Et les clubs majeurs, comme le leader Porto ou son dauphin Benfica, se sont empressés de reprendre l'entraînement lundi, en respectant des mesures de distanciation.
Pour autant, cette reprise à marche forcée symbolise la fragilité des clubs, désireux de toucher à tout prix les droits TV du championnat: «Le football portugais ne survit pas financièrement sans matches», a expliqué à l'AFP le commentateur sportif Luis Freitas Lobo, en précisant que «si les clubs se sont retrouvés aussi vite au bord de la rupture, c'est que leurs problèmes étaient là avant la pandémie».
«L'avenir du football n'est pas assuré», a même fait valoir le président de la fédération portugaise Fernando Gomes dans une tribune publiée lundi pour défendre «la construction d'une nouvelle voie» qui rende le foot national «plus solide».
Fernando Gomes critique notamment des clubs aux recettes mal assurées et trop dépendantes, pour les plus gros, des revenus de la participation aux compétitions européennes alors que Benfica et le FC Porto ont été rapidement évincés de la Ligue des champions cette saison.
En outre, de nombreux clubs portugais sont très dépendants de la revente de joueurs sur le marché des transferts pour boucler leurs budgets, une manne qui risque de se tarir dans un mercato atone.
«Sauve qui peut»
Pour sauver les clubs de 2e division, qui eux n'achèveront pas leur championnat, la Ligue et la fédération ont prévu de leur verser la somme totale de 2,5 millions d'euros en guise de dédommagement.
Mais pour recevoir cette aide, ils devront accepter la décision annoncée mardi par la Ligue de geler le classement actuel de la 2e division.
Au moins un des clubs relégués à l'étage inférieur, le Cova da Piedade, a menacé d'ouvrir un contentieux légal. Un de ses joueurs, l'international portugais Edinho, a réagi avec «dégoût» en dénonçant la primauté de la «question financière» sur les considérations sportives.
Selon un joueur du Casa Pia, également relégué, «cette décision salit le football portugais». «La première division est assurée... et pour les autres c'est sauve qui peut», a ajouté ce footballeur cité de façon anonyme par le quotidien sportif Record.
En somme, si la pression des clubs, et notamment des «trois grands» que sont Benfica, Porto et Sporting, a ouvert la voie à la reprise de la 1re division, c'est avant tout pour assurer leur «survie financière», souligne Luis Freitas Lobo.
Le Sporting, dont la situation était particulièrement fragile avant la crise sanitaire, a dû réduire de 40% les salaires de ses joueurs et placer la quasi-totalité de ses salariés au chômage partiel dès la mi-avril.
Un seul cas positif
Dans ce contexte, les modalités de la reprise restent entourées d'un grand flou. Mercredi, les instances sportives et les autorités sanitaires planchaient toujours sur la date de la reprise, alors que la Ligue visait plutôt pour sa part les 6 et 7 juin.
Comme le calendrier, le protocole sanitaire, qui doit être validé par la Direction générale de santé, et la liste des stades permettant de le respecter n'ont pas encore été bouclés.
Parmi les équipes, les opérations de dépistage n'ont jusqu'ici détecté qu'un seul cas de contagion, cette semaine, chez les moins de 23 ans du club lisboète de Belenenses.
Autre question à trancher: la possibilité de retransmettre la fin du championnat sur une chaîne de télévision en clair. Si cela éviterait aux supporters de se regrouper entre amis ou dans les cafés pour suivre les matches, le championnat risque alors d'être appelé à dédommager les chaînes payantes qui détiennent les droits de retransmission de la compétition.