Premier League Premier League: une reprise politiquement correcte

ATS

13.6.2020

Dans un des pays les plus touchés par le Covid-19 et loin d'être déconfiné, la Premier League va reprendre mercredi, fortement encouragée par le gouvernement. Un gouvernement qui critiquait en début de pandémie le refus de baisse de salaire des joueurs.

Le Premier ministre Boris Johnson avait estimé que le retour du championnat sur les écrans offrirait "un coup de pouce bien nécessaire au moral national."
Le Premier ministre Boris Johnson avait estimé que le retour du championnat sur les écrans offrirait "un coup de pouce bien nécessaire au moral national."
Keystone

La Grande-Bretagne a dépassé cette semaine les 50'000 morts liés au coronavirus, selon l'Office national de la statistique, et le gouvernement a repoussé à septembre ses projets de réouverture complète des écoles.

Mercredi, pourtant, le ballon rond reprendra ses droits dans sa mère-patrie pour 92 matches de championnat et 7 de Coupe d'Angleterre en un peu moins de sept semaines, avec une programmation assurant une présence quasi quotidienne.

Le mois dernier, le Premier ministre Boris Johnson avait estimé que le retour du championnat sur les écrans – les rencontres restant à huis-clos – offrirait «un coup de pouce bien nécessaire au moral national» en ces temps de crise. L'exécutif a d'ailleurs fortement poussé pour qu'un gros tiers des matches du championnat à disputer soient retransmis sur des chaînes accessibles sans abonnement.

Car le football occupe «une place spéciale dans notre vie nationale», avait estimé Oliver Dowden, le secrétaire d'État aux Sports. Un joli revirement par rapport aux débuts de la pandémie où la Premier League était moins en odeur de sainteté.

Opportunisme et cynisme

Début avril, alors que les clubs découvraient la chute brutale de leurs revenus liée à l'arrêt de la compétition, de grandes institutions comme Tottenham ou Liverpool avaient voulu utiliser le programme de chômage partiel mis en place par l'exécutif pour une partie de leur personnel non-joueur.

Une mesure destinée à protéger l'emploi et qui prenait en charge 80% du salaire mensuel à concurrence de 2500 livres (2788 euros) par salarié. Un geste très mal perçu venant de clubs largement bénéficiaires après une saison où ils s'étaient affrontés en finale de la Ligue des Champions.

«Moralement inacceptable», avait lancé le 2 avril le député conservateur Julian Knight, président de la commission parlementaire qui chapeaute les sports à la Chambre des communes. Quelques heures plus tard, le ministre de la Santé Matt Hancock rappela aux joueurs que tout le monde devait «jouer son rôle» et que la première chose qu'ils pouvaient faire «pour contribuer (était) d'accepter une baisse de salaire».

«J'ai eu le sentiment que c'était très opportuniste de la part du gouvernement et même très cynique», a commenté auprès de l'AFP Simon Chadwick, directeur des études sportives Eurasiennes à l'école de commerce EM Lyon, au sujet de cette polémique.

«En quelque semaines, le gouvernement a retourné sa veste et soudainement, (le foot) est devenu capital pour le bien-être national, la cohésion sociale et l'identité nationale en offrant une distraction par rapport à l'épidémie». «Le gouvernement s'est servi du football pour servir ses intérêts plutôt que le football lui-même, ou les supporters et la population», ajoute-il.

Raviver la flamme

Les footballeurs n'ont guère apprécié cette intrusion du politique dans leur sport. L'ailier de Crystal Palace, Andros Townsend, avait accusé le ministre de la Santé de chercher à «détourner l'attention» du sous-financement du NHS (le système de santé local), alors que le latéral international de Newcastle, Danny Rose, avait même lâché un «j'en ai rien à foutre du moral de la nation, mec, c'est la vie des gens qui est en jeu», dans une vidéo sur Instagram.

Plus de deux mois plus tard, la polémique est retombée. Et les ballons s'apprêtent à rouler. Mieux, l'insistance du gouvernement pour rendre certains matches visibles par tous pourrait constituer une bénédiction pour le football anglais à terme.

Pour la première fois depuis la création de la Premier League, en 1992, la BBC diffusera 4 rencontres, alors que le nouvel entrant Amazon Prime et la chaîne gratuite de Sky offriront aussi des matches sans abonnement. Cette large exposition pourrait bien raviver la flamme entre le football et son public.

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