Il a attendu de se retrouver devant les micros pour réussir son plus beau tacle de la soirée à Pristina. Granit Xhaka, avec sa pique acerbe qui rappelle que «l'on joue comme on s'entraîne», a levé un nouveau vent contraire dans le ciel de l'équipe de Suisse.
Le capitaine de l'équipe de Suisse, ses coéquipiers et son entraîneur auront, il est vrai, bien de la peine à digérer l'égalisation à la 94e minute de Vedat Muriqi qui ne leur a pas permis de creuser l'écart en tête du groupe I du tour préliminaire de l'Euro 2024. Ce 2-2 contre le Kosovo a été accueilli comme une véritable défaite dans leur esprit.
Avec deux points d'avance sur la Roumanie et trois sur Israël, deux équipes qu'elle doit encore affronter à l'extérieur, la Suisse n'est à l'abri de rien même si la possibilité de ne pas se qualifier pour le tour final en Allemagne demeure infime. Elle aura, en effet, la possibilité de passer par la case des barrages si elle termine troisième du groupe.
Le jeu futile du «Je t'aime moi non plus»
Les propos de Granit Xhaka rappellent combien ses relations avec Murat Yakin peuvent être conflictuelles depuis le printemps 2022. Le capitaine n'a pas digéré son remplacement peu après l'heure de jeu lors du match amical contre ces mêmes Kosovars. En juin lors des rencontres de la Ligue des Nations, il était monté au front pour exiger avec raison une approche moins frileuse sur le plan tactique.
S'il est pleinement conscient qu'il possède en Granit Xhaka un joueur de classe mondiale dans ses rangs, Murat Yakin n'a pas la mémoire qui flanche. Il n'oublie pas que son plus bel exploit à la tête de la sélection – devancer l'Italie dans le tour préliminaire de la Coupe du monde 2022 – a été accompli sans Granit Xhaka...
Le jeu futile du «Je t'aime moi non plus» entre les deux hommes n'en finira donc pas de nourrir la chronique. A Pristina, le capitaine et l'entraîneur endossent toutefois chacun une large part de responsabilité dans ce deuxième couac d'affilée après le 2-2 contre la Roumanie à Lucerne.
Sans doute trop pris comme Xherdan Shaqiri par l'aspect émotionnel autour de cette rencontre disputée dans le pays de ses parents, Granit Xhaka a été très loin de maîtriser son sujet comme il le fait avec un immense brio depuis la reprise de la Bundesliga avec le Bayer Leverkusen. On a vainement attendu une réelle inspiration de sa part, comme celle de Shaqiri qui a amené le deuxième but de Remo Freuler.
Murat Yakin n'est, pour sa part, pas exempt de reproches dans la justesse de ses choix. Celui de titulariser Fabian Schär à la place de Nico Elvedi ne fut, ainsi, pas une franche réussite. Le Saint-Gallois a accusé un temps de retard sur le premier but kosovar.
Par ailleurs, l'absence d'un latéral de métier sur le banc a été cruellement ressentie en fin de match. Auteur d'un début de rencontre remarquable, Edimilson Fernandes a plongé au fil des minutes. A gauche, Ricardo Rodriguez, dont l'apport offensif fut également précieux, a souffert lui aussi. Un Jordan Lotomba, qui peut occuper les deux flancs, n'aurait pas été de trop pour contenir les assauts adverses des ultimes instants.
Livré à la vindicte populaire
Le sélectionneur n'a pas, enfin, hésité à livrer à la vindicte populaire la tête de Dan Ndoye, coupable à ses yeux d'avoir égaré un ballon devant la surface adverse quelques secondes avant le 2-2 de Muriqi. «Il aurait dû aller gagner du temps au poteau de corner», lâche Murat Yakin. Comme un peu Gérard Houiller il y a près de 30 ans lorsqu'il avait accusé David Ginola d'avoir commis «un crime contre l'équipe de France» lors d'une défaite face à la Bulgarie qui avait privé les Bleus de la Coupe du monde 1994.
Même si l'enfant de la Côte aurait pu mieux faire lors de cette 94e minute, on peut tout de même regretter le manque d'élégance d'un sélectionneur qui semble avoir perdu à nouveau le fil comme lors du funeste huitième de finale de la Coupe du monde contre le Qatar.
Mardi à Tourbillon contre Andorre, il n'est pas certain que la victoire, qui semble inéluctable, remettra de l'huile dans les rouages. «Notre grande chance est de livrer notre prochain match contre un adversaire aussi faible qu'Andorre», tacle à nouveau Granit Xhaka. A Prisrina, on ne fut effectivement pas loin de jouer un – triste – remake de «Règlements de comptes à O.K. Corall.»