Le football à lui seul pourrait donner beaucoup de travail au Tribunal de la fédération, au TAS et aussi aux cours civiles. Le spécialiste zurichois des droits du sport et professeur d'économie Urs Scherrer répond aux questions de Keystone-ATS.
Urs Scherrer, quelles seront les suites juridiques pour le sport avec la pandémie du coronavirus, plus particulièrement pour le football professionnel ?
"Les effets sur le plan juridique sont encore difficiles à évaluer aujourd'hui. Je donne un exemple: les locations de stade. Le FC Zurich et Grasshopper sont locataires au Letzigrund. La ville est la loueuse. Les clubs ne peuvent pas jouer mais le loyer continue d'exister. De quel côté penche le droit dans ce cas? A mes yeux, il n'y a pas de base juridique compréhensible pour ce cas. Et cela va donner une abondance de constellations juridiques similaires. La pandémie a des effets sur le plan juridique qui ne sont pas prévisibles pour le moment. A la fin, cela pourrait donner lieu à des décisions contradictoires. Ainsi, il se pourrait que des clubs doivent continuer à payer les loyers tandis que d'autres seulement une partie ou voire rien du tout."
Il paraît prévisible, en revanche, qu'il sera impossible la saison prochaine de disputer toutes les compétitions nationales et internationales. Est-ce que l'UEFA peut dicter son calendrier à la Swiss Football League ou le football suisse doit agir selon ses prescriptions ?
"En temps de crise, la fibre nationale domine en politique et en sport. Pour les fédérations internationales comme l'UEFA, les possibilités de s'immiscer dans les événements nationaux et d'avoir une influence sont restreintes. L'UEFA doit se conformer avec ses compétitions après ce qui se passe dans les joutes nationales."
Actuellement, le Championnat de Suisse essais de terminer son exercice 2019-2020 jusqu'en août avec peut-être des matches à huis clos. Les clubs ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Que se passerait-il sur le plan juridique si un club refusait de jouer ?
"Le football est un jeu mais aussi un sport de contact. Les prescriptions, données par le Conseil fédéral pendant l'état d'urgence, semblent impossible à appliquer dans un match de football. S'il n'y avait pas un intérêt économique, aucun club ne serait favorable à continuer le Championnat. Chaque club, qui renoncerait à jouer, ne pourra pas être sanctionné. Chaque club a le droit de protéger son personnel et aussi son adversaire. Le club doit décider avec son sens des responsabilités s'il veut participera à un tel championnat."
Evoquons l'argent des télévisions. La Swiss Football League peut-elle arguer qu'elle n'a pu disputer que 23 des 36 journées en raison de force majeure ou les détenteurs de droits peuvent-ils se plaindre qu'ils n'ont pas reçu toute la «marchandise» ?
"Sur le plan juridique, c'est clair. Si les détenteurs de droits n'ont pas reçu la totalité du produit, ils n'ont pas à payer les journées qui manquent. Il s'agit d'argent contre des performances convenues."
Les détenteurs d'abonnements à la saison ont également acheter un produit. Les Young Boys ont vendu presque 20'000 cartes pour la saison. Les abonnements sont payés. Comment se présente la situation ?
"Il y a la plate-forme juridique et les plans raisonnables. D'un point de vue juridique, les détenteurs de cartes devraient recevoir l'argent pour les matches qu'ils n'ont pas pu voir. Mais les clubs ont naturellement la possibilité d'en appeler à la bonne volonté de leurs supporters pour qu'ils renoncent à demander un remboursement partiel."
Un autre point de discorde concerne les contrats de travail des joueurs. Leur fin de validité est fixé au 30 juin. Dans tous les clubs de Super League, des contrats arrivent à échéance. Est-ce que les contrats peuvent être étendus sans autre jusqu'en août jusqu'à ce que la fin du Championnat soit jouée ?
"Non. Selon le droit du travail, on ne peut pas remettre en question des contrats de travail avec une durée déterminée même si les fédérations internationales ont laissé filtrer autre chose. Mais il n'est aussi pas possible qu'un joueur puisse jouer dès le 1er juillet pour un autre club dans la même ligue. La compétition pourrait en être faussée."