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Valdimir Petkovic à la croisée des chemins

par Julien Pralong/Dublin - ATS

3.9.2019

L'équipe de Suisse n'est pas la seule à jouer gros, jeudi à Dublin contre l'Irlande, dans les éliminatoires de l'Euro 2020. Son sélectionneur Vladimir Petkovic se trouve lui aussi à la croisée des chemins, sachant pertinemment que rien ne lui sera pardonné.

Vladimir Petkovic: rien ne lui sera pardonné.
Vladimir Petkovic: rien ne lui sera pardonné.

Le Tessinois a beau pouvoir présenter un bilan comptable déjà meilleur que celui de son prédécesseur Ottmar Hitzfeld – deux 8es de finale (Euro 2016 et Mondial 2018) contre un (Mondial 2014) – en ayant favorisé l'éclosion d'un jeu plus attrayant que l'Allemand, il doit se résoudre à cette popularité chancelante que lui monnaient public et médias. Le Mister s'en est toujours sorti sur le terrain lors de ses deux premières campagnes. Mais les réussites du passé, dans le sport de compétition, ne sauraient délivrer de chèque en blanc.

2014-2018: construction et consolidation

La première phase du mandat de Vladimir Petkovic, celle de la construction, a été maîtrisée de bout en bout. Le sélectionneur a pris les rênes d'une équipe nationale qui avait passé les six précédentes années à refuser le jeu et l'a transformée en une formation technique, proactive, plaisante à voir et, surtout, victorieuse. Des éliminatoires rondement menés, un début d'incendie juste avant l'Euro (en mars, avec des défaites en amical en... Irlande et contre la Bosnie-Herzégovine) efficacement étouffé et un tournoi convaincant jusqu'à ce 8e de finale perdu face à la Pologne, aux tirs au but.

La seconde phase de l'ère Petkovic, celle de la Coupe du monde 2018, a été celle de la consolidation. Des principes de jeu, offensifs et courageux, mais aussi des dynamiques du groupe et des hiérarchie dans l'effectif. Le début avait les atours d'un conte de fées, avec un premier match éliminatoire remporté contre le Portugal tout frais champion d'Europe puis huit autres succès consécutifs dans la foulée.

Jusqu'à ce que la machine s'enraye, que la Suisse perde la première place à Lisbonne et s'extirpe in extremis de son barrage contre l'Irlande du Nord dans les circonstances que l'on sait. Le tour préliminaire de Coupe du monde en Russie a pourtant été une réussite mais une réussite vite balayée par un nouveau 8e de finale frustrant et agaçant, presque désespérant, contre la Suède.

2018-2020: un dépassement qui ne vient pas

Le troisième volet du mandat du Mister, qui devait être celui du dépassement de condition au sortir du Mondial, a bien mal démarré, entre les affaires qui ont secoué l'ASF (aigle bicéphale, déclarations de l'ancien secrétaire général Alex Miescher, départ du président Peter Gilliéron) et celles qui ont rompu les équilibres au coeur même de l'équipe de Suisse. Le coup de sang de Valon Behrami, la mise sur la touche – par étapes – du capitaine Stephan Lichtsteiner: soit autant de moments qui ont mis en relief des déficits très nets dans la communication, aussi bien celle de la Fédération que celle du sélectionneur.

Sans une victoire spectaculaire contre la Belgique en novembre 2018 qui lui a ouvert les portes du premier Final Four de la Ligue des Nations, la Suisse aurait pu se retrouver plongée dans un début de crise bien plus tôt.

«Sauvée» par une forme de paix des braves dans l'attente de ce nouveau tournoi, elle a pu poursuivre ses apprentissages dans le calme. Suffisant pour montrer un beau visage au Portugal mais insuffisant, encore une fois, pour franchir ce palier ressemblant de plus en plus à un plafond de verre et que le Tessinois n'a pas plus réussi à briser que ses prédécesseurs.

Scenario catastrophe

Entre la belle soirée face aux Belges et le Final Four s'étaient intercalés les éliminatoires de l'Euro 2020. Un Euro à vingt-quatre pour lequel la Suisse n'a «pas le droit» de ne pas se qualifier. Or le calendrier du groupe couplé à un nul rageant à domicile face au Danemark (3-3 après avoir mené 3-0) ont placé Vladimir Petkovic et ses joueurs dans une situation délicate. Car l'Irlande compte déjà dix points, certes avec deux matches en plus. Mais dix points tout de même.

Ainsi, si elle ne gagne pas jeudi soir à Dublin, la Suisse se retrouverait au mieux toujours à six longueurs des Irlandais et, au pire, en cas de défaite, à neuf. Avec alors la quasi-assurance de terminer derrière les Boys in Green au classement final – les deux premières places sont directement qualificatives – et donc le devoir de dépasser le Danemark (un point de plus avec un match en plus), qu'il faudra aller défier à Copenhague en octobre.

On le comprend aisément, le moindre faux pas pourrait déclencher un séisme autour et à l'intérieur d'une sélection nationale dont l'écosystème paraît vulnérable. Le refus de Xherdan Shaqiri de se mettre à disposition pour ce rassemblement, avec toutes les questions que cela soulève au sujet du management de Vladimir Petkovic, n'aide en rien dans cette affaire.

Tel est donc le sol, mouvant et piégeux, sur lequel s'avance le Mister. Avec le risque de faire comme Ottmar Hitzfeld et de rater la qualification pour l'Euro (l'Allemand avait manqué le tournoi de 2012, ce qui reste le seul échec de la Suisse dans les éliminatoires depuis celui du Mondial 2002). Mais avec le risque, surtout, de voir son macro-bilan être brûlé en place publique, rendant sa position intenable (fin de contrat en 2020).

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