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Var-adoxal! Et pourquoi pas d’anciens joueurs devant les écrans?

Steve Guillod - Consultant Teleclub

20.3.2019

La VAR par-ci, la VAR par-là... Imposé par la FIFA comme la solution évidente à la perfectibilité du football, le système d'arbitrage vidéo est sous le feu des critiques. Entre interprétation et application, notre consultant Steve Guillod nous donne son avis et "remet l’arbitre au centre du terrain". 

Deux photos, deux époques, deux réalités. Entre les décisions de l'Argentin Nestor Pitana (2018)  et la « Main de Dieu » de Maradona (1986), la VAR est arrivée...
Deux photos, deux époques, deux réalités. Entre les décisions de l'Argentin Nestor Pitana (2018)  et la « Main de Dieu » de Maradona (1986), la VAR est arrivée...
Keystone

Un commentaire signé Steve Guillod - Consultant Teleclub

Paradoxal est bel bien l’adjectif que j’associerais après réflexion à l’utilisation de la vidéo assistance. En effet, si au moment de la genèse du projet, j’avais de la peine à m’identifier clairement à l’un des deux camps, les “pour” ou les “contre”, j’ai pensé bien naïvement que le monde du football pouvait s’inspirer de celui du rugby… Que la technologie allait se mettre au service du ballon rond et le rendre, au nom du progrès, encore plus noble.

Que nenni! J’ai omis de tenir compte, sûrement par amour inconditionnel à ce jeu, que les acteurs principaux, joueurs et arbitres, restaient des êtres humains.

L’un, l’homme en noir, tente d’appliquer et de faire respecter les 17 règles de jeu. L’autre, portant les couleurs d’un club, s’époumone à gagner des duels, des matchs et plus rarement des titres. Cependant, le joueur est certaines fois prêt à tout pour arriver à ses fins, notamment ceux de la simulation, de la provocation et d’autres actes moins stigmatisants mais tout aussi insidieux et répréhensibles.

C’est dans la nature humaine d’essayer de gagner par tous les moyens. Les cours d’école et la table familiale où l’on joue à des activités ludiques sont des lieux privilégiés pour observer le “ triompher à n’importe quel prix”.

Le conflit intérieur

Ce qui me dérange profondément dans l’utilisation de la VAR, c’est qu’elle sert, dans l’esprit du public, à vérifier si l’arbitre s’est trompé ou pas. Alors qu’elle devrait mettre en relief si le joueur a respecté ou pas les règles élémentaires; celle d’être en position illicite, celle d’avoir fait trébucher un adversaire, celle d’avoir modifié avec la main la trajectoire de la balle…

On fait le procès de ceux qui sont neutres et intègres.  Alors qu’on relèvera la roublardise du simulateur et l’intelligence de celui qui fait une faute en coupant une contre-attaque au milieu de terrain. Changeons de paradigme et replaçons l’arbitre au centre du terrain comme l’on pourrait remettre l’église au milieu du village.

En tant que consultant sur Teleclub, je suis amené à analyser des images afin de donner mon avis sur des situations litigieuses. C’est là que débute pour moi un conflit intérieur, celui de laisser parler mon instinct d’ancien joueur ou celui de disséquer des images…

Parfois, heureusement, les deux mondes se rejoignent. Néanmoins, l’image peut déformer la réalité par des processus connus tels que l’angle de la prise de vue ou encore l’effet d’écrasement pour ne citer qu’eux. On dit souvent que la première impression est la meilleure. Je pense que nous devrions plus faire confiance aux arbitres et à leur feeling (18ème règle, celle du flair).

D’ailleurs, huit fois sur dix, les ralentis donnent raison au corps arbitral. Mais que de polémiques pour les deux fois où ils se trompent!

Alors que les erreurs arbitrales tout comme un autogoal ou un pénalty manqué font partie de l’histoire du football. La main de Maradonna lors du mondial 86 a élevé l’argentin au rang de Dieu. L’autogoal d’Escobar contre les Etats-Unis lors du mondial 94 lui a vraisemblablement coûté la vie. Et le pénalty manqué par Baggio a plongé tout un pays dans l’effroi et la tristesse…

D’anciens joueurs pros devant les écrans?

Ne sacrifions pas ce qui fait la quintessence du football: l’émotion! Et je doute que “déresponsabiliser” l’arbitre en accordant plus de place à l’assistance vidéo, comme cela est prévu pour l’avenir, améliore la qualité des directeurs de jeu. L’arbitre se trompera inévitablement comme les joueurs “tricheront” encore parce qu’ils sont simplement des hommes…

Aidons les arbitres avec un cadre d’utilisation clair et simple de la VAR. Celle-ci ne doit pas mettre en évidence l’erreur d’arbitrage mais l’intention du joueur. D’ailleurs, ne serait-il pas plus judicieux que ce soit d’anciens joueurs professionnels qui analysent les images plutôt que des arbitres?

On parle avant tout d’interprétation de scènes litigieuses et non pas d’application d’une règle. Je trouve que la question mérite d’être posée! Et peut-être qu’un jour l’on dira, tout comme au rugby, que le football est un sport de voyou pratiqué par des gentlemen et non plus le contraire…

Steve Guillod - Consultant Teleclub

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