Ce fut un risque insensé ! Avec le recul et les leçons que l'histoire nous a enseignées, les instances politiques et sportives avaient vraiment joué avec le feu le 15 avril 1959.
Ce mercredi-là, 60'000 personnes, 64'000 même selon d'autres sources, avaient en effet assisté à la demi-finale aller de la Coupe d'Europe des clubs champions entre les Young Boys et le Stade de Reims (1-0) dans une enceinte – le Wankdorf – qui ne pouvait raisonnablement pas accueillir une telle foule. Mais presque par miracle, aucun incident ne fut enregistré même dans le secteur des places debout où les gens étaient serrés les uns contre les autres sans pouvoir bouger ne serait-ce qu'un orteil.
Il est vrai que l'engouement en ville de Berne fut immense pour cette demi-finale contre le grand Reims de Dominique Colonna, de Robert Jonquet, de Just Fontaine, de Roger Piantoni et de Jean Vincent. Qualifiés à la faveur de leurs succès sur le MTK Budapest et sur les Allemands de l'Est du Wismut Karl-Marx-Stadt – Chemnitz aujourd'hui -, mais aussi à la faveur du refus de la Fédération anglaise de permettre à Manchester United, l'équipe qu'ils devaient affronter au tour préliminaire, de disputer l'épreuve quelques mois après la tragédie de Munich, les Young Boys voulaient croire en leur étoile. Croire qu'ils avaient les moyens de signer l'exploit qui leur aurait ouvert les portes de la finale de Stuttgart du 3 juin contre le Real Madrid.
Reims au bord du K.O.
Les premières minutes de la rencontre devaient conforter les joueurs d'Albert Sing dans leurs certitudes. Celle qui fut la première grande équipe dominante de l'histoire du football suisse ne fut pas loin de réussir le K.O. d'entrée. Après seulement 23 secondes de jeu, le «mercenaire» Ernest Wechselberger voyait, ainsi, son but annulé pour des raisons obscures. A la 2e minute, Gilbert Rey et Toni Allemann trouvaient tour à tour la transversale de Colonna. A la 13e minute, l'arbitre belge Lucien Van Nuffel refusait aux Bernois un penalty que tout le Wankdorf avait vu. Au quart d'heure, ce fut enfin la délivrance avec le but inscrit par le «bombardier» Eugen «Geni» Meier. Mais au lieu de se contenter de ce 1-0, les Bernois auraient pu, dû, mener 4-0 à la 15e minute.
Après cette entame fulgurante, les Champions de Suisse ont eu de la peine à trouver leur second souffle. Leur manque de réalisme lors de ce match aller allait être puni le 13 mai au Parc des Princes, où les Rémois sont parvenus à renverser la situation avec une victoire 3-0 acquise sur un doublé de Piantoni (41e et 72e) et une réussite d'Armand Penverne (54e). Le rêve était passé pour les Bernois avec une interrogation à laquelle personne ne pourra répondre: auraient-ils été capables de bousculer en finale le Real Madrid davantage que Reims qui fut battu 2-0 sur des buts d'Enrique Mateos Mancebo (1re) et d'Alfredo Di Stéfano (47e) ?