Pas moins de onze Suisses ont joué en NHL cette saison. Mais seule la position de gardien n'a pas été occupée par un joueur à passeport helvétique. La rupture avec une longue tradition s'explique pour plusieurs raisons.
Bien longtemps avant que les joueurs de champ comme Roman Josi, Nico Hischier ou Timo Meier n'assurent le spectacle en NHL, les gardiens étaient le porte-drapeau du hockey suisse en Amérique du Nord. David Aebischer fut en 2001 avec Colorado Avalanche le premier Suisse à remporter la Coupe Stanley. Cinq ans plus tard, c'est Martin Gerber avec les Carolina Hurricanes qui soulevait le trophée tant convoité. Ensuite après Jonas Hiller, jusqu'à aujourd'hui le portier suisse avec le plus de matches NHL au compteur (404), Tobias Stephan et Reto Berra ont pu montrer leurs talents dans la meilleure ligue du monde.
Avec la décision de Berra de tourner le dos au hockey nord-américain et de s'engager avec Fribourg-Gottéron en 2018, la longue tradition helvétique a pris fin. Certes, avec Gilles Senn, il y avait encore gardien suisse actif outre-Atlantique la saison dernière mais le Valaisan de 24 ans était surtout cantonné à la AHL par la franchise des New Jersey Devils.
Plus de rotations
Les raisons pour lesquelles la nouvelle génération de gardiens suisses a de la peine à faire son nid en NHL ont plusieurs origines. «Les talents ne nous manquent pas, est persuadé Peter Mettler, l'entraîneur des gardiens du HC Davos. Mais nous devons les encourager en conséquence.» Le Schwytzois, qui jusqu'à l'annulation du Championnat du monde à domicile le printemps dernier, était le coach des gardiens de l'équipe nationale, estime qu'il y a un changement de pensée en National League. «Beaucoup de clubs n'ont plus de no 1 clairement établi, il y a beaucoup plus de rotations. La motivation de donner une chance à un jeune gardien prend de l'ampleur.»
Les chiffres confirment cette nouvelle tendance. Avec Philippe Wütrich (23 ans) et Luca Hollenstein (20), deux jeunes talents sont régulièrement alignés. Aux Zurich Lions, le Fribourgeois Ludovic Waeber (24) se tient devant le but plus souvent que le triple champion Lukas Flüeler. Gauthier Descloux (24) et Joren van Pottelberghe (23) ont conquis une place de titulaire à Genève-Servette et à Bienne.
Ainsi, les responsabilités sont réparties sur plus d'épaules qu'il y a encore 20 ans. Mettler relève que le réservoir de portiers en Suisse est plus petit que dans d'autres pays. En Finlande et en Suède par exemple, il y a plus du double de licenciés que sur les patinoires helvétiques. En Russie et en République tchèque, les chiffres sont encore plus hauts.
Sur le bon chemin avec les écoles
Le talent ne suffit pas pour assurer une grande carrière. Chez beaucoup de gardiens, la composante mentale joue un rôle prépondérant. De l'endurance est nécessaire et la capacité de composer avec la pression également. En Finlance et en Suède, le jeu de la concurrence est énorme, explique Mettler. «Cela commence déjà chez les juniors. On doit travailler dur tôt pour s'assurer une place.» Pour les jeunes portiers finlandais ou suédois, la NHL est clairement le grand objectif. Cette volonté absolue fait parfois défaut en Suisse.
Pour réaliser le rêve de devenir un sportif du haut de l'affiche, il faut également disposer d'un système scolaire adéquat, un bon mixage entre formation scolaire et sportive. «Avec les écoles sportives nous sommes, certes, sur le bon chemin en Suisse. Toutefois, nous ne régatons pas encore au même niveau que le Nord de l'Europe.»
Pour que la formation des talents soit efficace, il faut du temps et beaucoup de minutes de glace. Avec la réforme en cours de la Ligue et l'augmentation du nombre de joueurs étrangers de quatre à sept par équipes dès 2022, la situation pourrait se gâter pour les jeunes gardiens suisses.
L'exemple Stettler à Langnau
«Le danger pourrait se trouver dans la perte de patience des clubs qui pourrait desservir la formation de jeunes talents suisses», souligne Mettler. Il prend les Langnau Tigers comme bon exemple. Au lieu de courir après un remplaçant suite à la blessure du titulaire Ivars Punnenovs, les Emmentalois ont placé leur confiance en Damien Stettler, un jeune gardien de 19 ans. «Avec l'augmentation du nombre d'étrangers, la tentation pour les clubs sera plus grande d'engager un gardien slovaque pendant cette période. Ce serait naturellement fatal pour la relève suisse.»
Pour David Aebischer, aujourd'hui entraîneur des gardiens à Fribourg-Gottéron, la conséquence logique serait de prendre le chemin de l'étranger. «Pour prendre la place d'un gardien local, on devrait vraiment être au top», constate le vainqueur de la Coupe Stanley 2001.
Un gardien a choisi cette voie en raison du manque de perspective en Suisse: Akira Schmid. Le portier de 20 ans était considéré comme un grand talent. Actuellement, il dispute sa troisième saison avec les Sioux City Musketeers dans la ligue juniors américaine USHL. Même s'il avait réussi des bons matches lors du Mondial M20 et qu'il figurait dans les bons papiers des scouts.
En 2018, il avait été le dernier gardien suisse repêché en 136 position par les New Jersey Devils. Schmid possédait tout ce qui fait un bon gardien moderne. Même une qualité qui fait défaut chez beaucoup de portiers helvétiques: la taille. Il est grand avec son mètre 95. Jouera-t-il un jour parmi les grands de NHL ? A voir.
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