Premier à franchir la frontière des 6,20 m, auteur de dix records du monde comme autant de centimètres gagnés en quatre ans qui l'ont emmené à 6,26 m, jusqu'où «Mondo» Duplantis peut-il repousser les limites du saut à la perche ?
Torun, Glasgow, Belgrade, Eugene, Clermont-Ferrand, Xiamen, Paris et enfin Chorzow: depuis qu'il a dépossédé le Français Renaud Lavillenie du record du monde en février 2020, la carte des centimètres grignotés l'un après l'autre par Duplantis n'en finit plus de s'étendre.
«J'ai encore des barres plus hautes en moi», estimait-il en avril à Xiamen, en Chine. Au jeu des pronostics, chacun a son idée.
«De l'art»
Pour Sergueï Bubka, le «tsar» de la perche, sextuple champion du monde, le premier au-dessus des six mètres au milieu des années 1980 ? «Si vous avez la bonne technique, 6,30 m, 6,40 m, 6,50 m, c'est atteignable aujourd'hui», estimait-il dès 2021.
Le père de Duplantis, Greg, lui-même ancien perchiste, place la barre autour des 6,40 m. «Il n'a que 24 ans et les perchistes atteignent généralement leur apogée entre la fin de la vingtaine et le début de la trentaine, explique-t-il dans une interview accordée à un des sponsors de son fils. Il continue de progresser et je pense qu'il sera meilleur dans quatre ans. Ça peut paraître invraisemblable, mais je pense qu'il peut s'approcher des 6,40 m, si ce n'est carrément les passer.»
Le perchiste français Thibaut Collet vise un peu moins haut pour le phénomène suédois. «Mondo» à la perche, «c'est de l'art», décrit-il à l'AFP. «Donner une ‹perf› plafond, c'est difficile, tellement il repousse les limites. Ce dont je suis quasi sûr, c'est qu'il fera plus de 6,30 m. Il n'a que 24 ans, il a une maturité physique, mais dans la tête, il n'est peut-être pas encore à sa maturité maximum.»
«Déjà ce qu'il fait là, c'est extraordinaire. 6,30 m, il faudrait que les gens se rendent compte de ce que c'est», insiste Collet.
L'IA calcule 6,51 m
L'intelligence artificielle fait des projections beaucoup plus ambitieuses encore : à en croire une modélisation compilant ses sauts, ses résultats et les conditions de compétition, réalisée pour le comité olympique suédois, Duplantis serait capable de s'envoler... à 6,51 m à 33 ans !
«C'est un gros saut ! Mais c'est sympa à entendre, commente Duplantis. Ce serait amusant de sauter plus haut que ça et de battre l'intelligence artificielle !»
«C'est intéressant de voir ce qui est considéré comme possible (par l'IA, ndlr), reprend-il. Ça met de la pression mais ça motive aussi. Quand j'étais plus jeune, je faisais un peu la même chose: je ne suis pas une IA mais j'essayais de prendre tout ce qu'il y avait de mieux chez les meilleurs perchistes au monde et de le transformer en mon propre saut, avec mon propre style.»
Collet tempère: «6,50 m, honnêtement ça me paraît beaucoup. Pour moi, l'IA et compagnie, ça n'a rien à voir avec le sport. C'est que des chiffres. Nous, ça ne nous amuse pas.»
«On a eu pas mal de fois des mesures laser au niveau du bassin, mais ce n'est pas fiable: quand on regarde un saut, ce sont les pieds qui passent le plus près de la barre, décrypte-t-il. Dans son cas, il a fait des sauts avec le bassin à 6,30 m, 6,35 m, mais les pieds passaient un peu moins haut. On n'est pas les meilleurs amis des scientifiques. A la perche, on sait que c'est plus compliqué que ça.»
En attendant, «sauter 6,30 m est mon prochain grand objectif», se fixe «Mondo». «J'ai la vitesse nécessaire pour le faire en ce moment. C'est tout à fait possible, estime le double champion du monde et olympique et triple champion d'Europe, invaincu depuis plus d'un an. Mais pourquoi s'arrêter là alors que je peux viser encore plus haut ?»