Interview Andrej Stimac, un bourreau de travail récompensé

Clara Francey

15.3.2021

Andrej Stimac avait fait les beaux jours des Lions de Genève en tant que joueur, le Croate les fait désormais en tant qu'entraîneur principal, lui qui a décroché ce week-end à Montreux son premier titre à ce poste lors du Final Four de la SBL Cup. Un trophée remporté dimanche face aux Tessinois de SAM Massagno (60-78).

Assistant coach à Fribourg Olympic la saison dernière aux côtés de Petar Aleksic et entraîneur de l'Académie du club (LNB), Andrej Stimac est revenu l'été passé au bout du lac chez les Lions de Genève pour endosser un tout nouveau rôle, celui d'entraîneur principal d'une équipe de premier plan. Le Croate de bientôt 42 ans connaît bien la maison, la salle du Pommier, puisqu'il y a évolué entre 2012 et 2016 en tant que meneur de jeu. Son maillot, floqué du numéro 20, y est d'ailleurs retiré.

Durant sa pige, le capitaine avait même offert aux Genevois leur premier titre. C'était une SBL Cup, en 2013, soit il y a exactement huit ans. Ce week-end, et sous ses ordres, les Lions lui ont rendu la pareille, en lui offrant son premier titre en tant qu'entraîneur.

Le Croate revient sur ce succès et aborde la suite de la saison avec beaucoup de philosophie et de sagesse. Interview.



Andrej Stimac, tout d'abord félicitations. On sait que ce n'est jamais évident pour une équipe d’enchaîner deux grosses performances en moins de 24 heures. Pourtant, vous l'avez fait ce week-end. Quelles ont été les clés du succès ?

"Je pense qu'on était prêts physiquement, mais aussi mentalement. On joue avec une rotation de plusieurs joueurs et chacun d'entre eux a un rôle physique très important. C'est un vrai plaisir pour moi de coacher un groupe aussi solide, des hommes qui ont bon caractère et qui ont su rebondir à chaque fois qu'un défi se présentait à eux. Ils n'ont jamais lâché. Je ne peux pas être plus reconnaissant envers eux, mais aussi envers le staff qui m'entoure. C'est un vrai travail d'équipe, que ce soit dans l'ombre ou sur le terrain. Personnellement, je ne me suis pas réveillé un jour dans la peau d'un entraîneur, j'ai appris des autres, et notamment de Petar (ndlr : Aleksic, l'entraîneur du Fribourg Olympic). Je suis fier de mon parcours et de toutes ces expériences, mêmes minimes, qui m'ont mené à ce succès aujourd'hui."

Qu'est-ce que ça change de gagner un titre en tant qu’entraîneur principal et non plus comme joueur ?

"Je me sens encore plus vide d'énergie, d'émotions... (rires) Quand tu es entraîneur, tu te sens responsable de tout, sans avoir la possibilité de changer les choses sur le terrain, car le rendement et les crédits vont aux joueurs. Ce qui change, ce sont quelques nuits blanches auparavant, beaucoup d'heures de préparation. Je dirais que c'est une perspective différente."

Est-ce que la fête se doit d'être plus calme quand on occupe le poste d'entraîneur ?

"Je dirais que le coronavirus a déjà un peu influencé le rythme de la fête. C'était calme, ce n'était pas quelque chose d'excessif non (rires). La plus grosse victoire pour moi, c'était de voir les joueurs aussi unis. Ils ont fourni un vrai effort collectif et la synergie entre eux, c'est mon plus beau cadeau je crois."

Imad Fattal, le président des Lions, vous avait fait (re)venir du côté de Genève pour bâtir un vrai projet, avec en ligne de mire des titres. Ce premier trophée vous enlève-t-il un peu de pression ?

"Je ne ressentais pas de pression particulière, soit parce qu'elle fait partie de mon métier, soit parce qu'il n'y en avait pas. Quand on a autant de travail à fournir tous les jours, on n'a pas le temps de penser à la pression. Je suis venu à Genève avec l'idée de construire une équipe intéressante, capable de bien défendre. Ensuite, il fallait créer une cohésion au sein de cette équipe et jouer avec. Les systèmes ou les décisions prises sur le terrain ne sont que des détails. On peut à la base avoir les meilleurs systèmes au monde et ne pas réussir. C'est le groupe qui compte pour moi. C'est ça la formule gagnante."

Après ce fantastique week-end, vous avez confirmé que vous étiez encore plus que jamais l'équipe à battre. Le risque n'est-il pas désormais de tomber dans un excès de confiance ?

"Notre confiance n'est pas basée sur l'importance des compétitions auxquelles on participe ou l'adversaire qu'on affronte. C'est en travaillant tous les jours qu'on bâtit notre confiance, mais je ne pense pas qu'elle monte ou qu'elle descend comme ça. On est confiants ou on ne l'est pas, point ! Je n'ai pas le sentiment qu'on ait un excès de confiance. Il faut savoir rester humble pour avoir une équipe solide."

On imagine assez facilement que vos objectifs de fin d’année seront de gagner les deux titres encore en jeu, soit la Coupe de Suisse et le championnat. Vous confirmez ?

"On a passé un palier ce week-end, c'est vrai. Ce titre est un bel accomplissement et une belle récompense du travail effectué jusqu'ici. Maintenant, concernant la suite, on ne se projette pas aussi loin dans l'avenir. Ce n'est pas en faisant des projections qu'on atteint nos objectifs. On avance jour après jour, match après match. Je suis reconnaissant d'avoir vécu de telles émotions ce week-end, mais demain il faudra déjà tourner la page et se remettre au travail. C'est à nous de travailler dur tous les jours pour pouvoir ressentir à nouveau ces émotions. On a encore une bonne marge de progression."

Imad Fatal avait fait comprendre qu'il voulait légitimer la présence des Lions de Genève sur la scène européenne par des titres en Suisse. A ce stade de la saison, est-ce que vous y rêvez déjà pour le prochain exercice ?

"Imad et moi n'avons jamais abordé ce sujet-là. Je n'ai pas trop le temps de rêver et je ne veux pas griller les étapes, nous avons encore beaucoup de choses à faire et à améliorer au sein de l'équipe. Une chose est sûre, accéder à l'Europe ne sera qu'une conséquence de notre travail."