Daniela Ryf a établi dimanche à Roth le meilleur temps mondial sur la distance de l'Ironman (8h08'21''). La Soleuroise de 36 ans évoque notamment la valeur qu'a cette performance à ses yeux dans un entretien avec Keystone-ATS.
Daniela Ryf, vous avez contracté début mai un virus lors d'une course à Ibiza, ce qui a fortement perturbé votre entraînement. Vous avez pourtant réussi à établir le meilleur temps mondial sur un Ironman dimanche. Comment est-ce possible ?
«C'est un peu inexplicable pour moi aussi, et certainement très étonnant. J'ai connu un très bon hiver, je me suis entraîné en grande partie en altitude à St-Moritz. A Ibiza, j'étais à la limite à l'entraînement et le virus m'a ensuite accompagné jusqu'à quatre jours avant Rapperswil (l'Ironman 70.3 Switzerland y a eu lieu le 11 juin). Je ressentais des nausées à chaque fois après le repas et pendant l'entraînement. Nous n'avons jamais trouvé ce que c'était exactement. C'était vraiment une période difficile, surtout mentalement, car dans cet état, on n'a pas vraiment envie de s'entraîner. J'ai tout de même effectué la totalité du programme, mais à une intensité moindre. C'est peut-être la principale leçon que j'en ai tirée, à savoir que l'entraînement ne doit pas toujours être très dur et qu'il est possible d'en faire moins. Brett (Sutton), mon coach, m'a conseillé de ne pas prendre le départ. J'en ai parlé à ma mère, qui avait déjà réservé son billet pour Roth. J'ai donc attendu. Cela rend les choses encore plus spéciales».
Avez-vous senti que ce serait une bonne journée ?
«Déjà à Rapperswil, je me sentais très bien. A partir de là, je savais que je n'étais pas si mal. Cela m'a énormément aidée mentalement. Je m'attendais à ce que quelqu'un batte le meilleur temps mondial à Roth, car le développement technologique a été incroyablement rapide au cours des dix dernières années. De plus, il y a actuellement beaucoup de bonnes athlètes féminines dans notre sport. Mon état d'esprit avant la course oscillait entre une extrême nervosité et le simple bonheur de pouvoir participer. C'était un bon mélange. Lorsque j'ai commencé à nager, j'ai vite compris que c'était une bonne journée. Je me suis dit : c'est maintenant ou jamais».
Quelle est l'importance de ce meilleur temps mondial dans votre impressionnant palmarès ?
«Il fait certainement partie du top 3 de ma carrière, c'est peut-être même la plus grande performance que j'ai jamais réalisée. Certes, il y a tellement d'aspects qui influent sur la longue distance, comme le courant, le vent, la chaleur, que les courses ne sont pas complètement comparables. En même temps, le temps de Chrissie Wellington a tenu longtemps (depuis 2011). Briser cette marque était la dernière chose qui manquait à ma carrière. De ce point de vue, c'est la cerise sur le gâteau.»
Vous étiez quasiment imbattable pendant un certain temps. La victoire est-elle pour vous comme une drogue ?
«Non. Bien sûr, c'est un sentiment extrêmement agréable de gagner. Mais ce qui me motive, c'est de continuer à me développer et de livrer la marchandise le jour J. Sur la longue distance, on peut commettre beaucoup d'erreurs. Quand tout se met en place, comme dimanche, c'est pour cela que je m'entraîne. L'entraînement, c'est un peu le travail. A Roth, j'ai eu l'impression d'être dans un film. J'étais dans un état de flow, ça s'est fait tout seul».
Comment abordez-vous mentalement une course ? Elaborez-vous un plan que vous visualisez ?
«Je réfléchis beaucoup avant une compétition, je suis quelqu'un qui a besoin de beaucoup de calme pendant la semaine de course pour rassembler de l'énergie. J'essaie de me préparer à différents scénarios, mais ce n'est pas comme si j'écrivais un plan. Il faut toujours être flexible, car la plupart du temps, les choses ne se passent pas comme on le pense. Être prête dans sa tête est essentiel sur la longue distance. Il faut être prête à pousser fort et à entrer dans une zone de douleur, oser repousser ses limites. L'art consiste à ne pas percevoir la douleur comme telle».
ATS