Voile Deux Français se lancent un défi complètement fou

AFP

3.1.2022

Romain Pilliard et Alex Pella sont prêts: dès la première fenêtre météo ces prochains jours, ils s'élanceront à la conquête du tour du monde à l'envers, 500 ans après Magellan, pour redonner vie à l'ancien trimaran d'Ellen McArthur et sortir du «tout jetable».

Romain Pilliard (à gauche) et Alex Pella veulent réaliser un tour du monde à l’envers.
Romain Pilliard (à gauche) et Alex Pella veulent réaliser un tour du monde à l’envers.
AFP via Getty Images

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3.1.2022

En 2005, la navigatrice avait battu le record du tour du monde «à l'endroit» à bord de ce somptueux trimaran de 23 mètres, précurseur de la classe Ultime. Depuis, le record a été pulvérisé plusieurs fois, et le bateau, vite devenu obsolète, est resté des années à l'abandon.

En 2016, Romain Pilliard l'a racheté pour en faire une démonstration de l'économie circulaire, qui vise à limiter la consommation et le gaspillage en optimisant la production, l'usage et le recyclage des biens. Un thème auquel Ellen MacArthur, qui a quitté le monde de la voile, a elle-même choisi de consacrer sa vie.

Baptisé «Use it again» (Réutilise-le), le bateau a été remis en état avec un souci constant de privilégier l'existant, le recyclé et le reconditionné. Ainsi, la plupart des voiles sont re-taillées dans des anciennes et la cabine est aménagée avec des carcasses de planches à voile.

Et le grand trimaran blanc paré de bandes oranges va désormais s'attaquer à un nouveau record. Dans les tours du monde classiques, les bateaux foncent vers le cap de Bonne Espérance, font le tour de l'Antarctique et reviennent par le Cap Horn. «Use it again» tentera de battre le record dans l'autre sens, contre les vents et les courants dominants.

Principal défi : terminer

Seule une poignée de skippers ont bouclé un tel tour. Le dernier à l'avoir réussi, et le plus rapide, a été Jean-Luc Van Den Heede en 122 jours en 2003. Le dernier à l'avoir tenté, Yves Le Blevec, a chaviré au Cap Horn en 2017.

Tous l'ont fait en solitaire, mais Romain Pilliard partira avec Alex Pella, actuel détenteur du Trophée Jules Verne, le record du monde «à l'endroit», avalé en près de 41 jours en 2017 au sein de l'équipe de Francis Joyon.

Pour ce skipper espagnol au palmarès bien fourni, ce périple est aussi l'occasion de commémorer les 500 ans de l'expédition de Magellan, qui était parti en septembre 1519 avec le projet de rejoindre les Moluques (archipel de l'actuelle Indonésie) et leurs épices par l'ouest, et dont le navire était revenu par l'est en septembre 1522.

Cette expédition a été la première expérience de mondialisation, explique Alex Pella. Et le périple de «Use it again» se veut un rappel à cette réalité: «on n'a qu'un océan, on n'a qu'une planète et on doit la préserver».

Comme pour Magellan, tué aux Philippines en 1521, le principal défi sera de boucler ce tour long et pénible, dans des conditions qui mettent le matériel à rude épreuve pendant plusieurs mois d'affilée.

«Encore une histoire à écrire»

«On n'est pas dans les records en 40 jours, à pleine balle, sur le mode ça passe ou ça casse», explique à l'AFP Romain Pilliard, qui proposera un journal de bord au fur et à mesure de leur périple.

Pour Alex Pella, «c'est une nouvelle approche. Pendant 20 ans, j'ai fait de la course au large à très haut niveau. Avec de grosses équipes, très pointues, dans la recherche de la performance pure. Là, c'est un truc différent».

Ils comptent beaucoup sur la solidité du trimaran, conçu par et pour Ellen McArthur, dans un souci de performance mais aussi de sécurité.

Sur l'eau, le trimaran gronde et craque mais reste bien plus stable que les actuelles Formule 1 des mers qui lessivent leurs skippers comme dans le tambour d'une machine à laver.

Surtout, «les bateaux modernes sont un peu extrêmes, dès qu'ils se font un petit truc, ils rentrent aux stands. Nous, on se fait un peu mal, on se foule la cheville, mais on continue à courir», explique Romain Pilliard.

Le message est clair: ce bateau qui n'intéressait plus personne «a encore une histoire à écrire».