C'est ce qu'on appelle avoir la pression: Filippo Ganna s'attaque samedi soir à Granges au mythique record de l'heure détenu par... l'un de ses ingénieurs. Un échec serait forcément vu comme un désaveu pour l'Italien, pas au mieux cette saison.
Le 19 août, au coeur de l'été caniculaire, Dan Bigham, ancien pistard devenu ingénieur performance pour Ineos-Grenadier (l'équipe de Ganna), a créé la sensation en parcourant 55,548 kilomètres en une heure sur la piste de Granges. Un exploit incroyable pour le Britannique de 31 ans, totalement inconnu en dehors des vélodromes, qui devait au départ uniquement récolter des informations en prévision de la tentative de Ganna...
Autant dire que Filippo Ganna a intérêt à ne pas se louper samedi (dès 20h00) sur la même piste et le même vélo, créé sur mesure par Pinarello avec un cadre imprimé en 3D qui utilise le biomimétisme pour accroître ses performances aérodynamiques avec des reliefs inspirés des tubercules présents sur les nageoires des baleines.
Au-delà du bolide, qui doit forcément être performant vu le tour de force de son ingénieur, Ganna avance des arguments solides: champion du monde du contre-la-montre en 2020 et 2021, quadruple champion du monde de la poursuite individuelle et champion olympique de poursuite par équipes, le Piémontais de 26 ans est la référence du chrono de ces dernières années.
Mais cette saison, il a surtout déçu: seulement septième du contre-la-montre des Championnats du monde sur route en Australie, il a aussi été battu aux Championnats d'Europe et sur les deux chronos du Tour de France. En Italie, on l'attend au tournant. D'autant qu'une polémique a éclaté sur la date retenue pour sa tentative.
«Concomitance inappropriée»
Initialement prévue pour le mois d'août, Ganna, sorti fatigué du Tour de France, l'avait reportée au 8 octobre, qui coïncide avec le Tour de Lombardie, dernière grande classique de la saison. «Une concomitance inappropriée», a regretté RCS Sport, organisateur de la course lombarde, qui a demandé, en vain, à Ganna, de trouver une autre date.
L'appel a été relayé par le grand Francesco Moser, l'homme qui avait fait tomber en 1984 le record de l'heure appartenant depuis douze ans à Eddy Merckx. «Ganna aurait dû attendre jusqu'à la fin des Mondiaux sur piste», la semaine prochaine à Saint-Quentin-en Yvelines, près de Paris. «Il n'y aurait plus eu de courses et sa tentative aurait eu toute l'attention du monde», a-t-il estimé dans la Gazzetta dello sport.
Mais chez Ineos on répond que le vélodrome n'était pas disponible avant, qu'il y a les Mondiaux sur piste derrière, où Ganna doit s'aligner, et qu'ensuite il sera «trop tard pour un coureur qui a couru toute la saison». Quant à attendre 2023, ce n'était pas une option non plus puisqu'un changement de règle concernant les guidons aurait signifié de jeter à la poubelle tous les efforts pour développer le vélo qu'utilisera Ganna.
Va pour samedi soir donc. Mais la pression sera maximale. «Il doit battre le record de son ingénieur, sinon ça fera vraiment désordre», insiste Francesco Moser.