Le 16 avril 2000, sept secondes permettaient à Viktor Röthlin de lancer sa carrière de marathonien. A Rotterdam, l'Obwaldien accrochait la qualification pour les Jeux olympiques de Sydney, mais s'ouvrait surtout à un nouveau monde.
Champion d'Europe, médaillé d'argent aux Européens, médaillé de bronze aux Mondiaux ou encore 6e aux JO et détenteur du record de Suisse (en 2h07'23'', désormais effacé par Tadesse Abraham) sur la distance. Qui sait si Viktor Röthlin aurait pu afficher un tel palmarès vingt ans plus tard, s'il avait couru un peu moins vite aux Pays-Bas ce jour-là?
On le saura jamais, et on préfère ne pas se poser la question. Röthlin non plus, sans doute. Son ticket olympique obtenu, il entrait dans une autre dimension, lui permettant dès lors de bénéficier de conditions d'entraînement idéales à Macolin. «Les derniers kilomètres avaient été durs, très durs», se rappelle-t-il. Une seule fois, il connut pire: en 2007, lors des Mondiaux d'Osaka. Au Japon, sous la chaleur humide, encore sixième au passage des 40 km, il avait tout donné pour aller accrocher un bronze historique.
Sept ongles noirs
Revenons à Rotterdam. Il avait 25 ans et avait connu une journée compliquée: «Je n'étais jamais vraiment parvenu à trouver le bon rythme.» Le vent venu de la Mer du Nord n'arrangeait pas la chose. Son temps de passage à mi-parcours: 1h06'22''. Un rythme qu'il parvenait à conserver, malgré vingt kilomètres courus en solitaire. Même si, au kilomètre 40, il comptait huit secondes de retard sur son objectif. Il devrait finir au sprint. «J'en ai souffert, revoit-il. Sept de mes dix ongles de pied étaient noirs. J'avais des ampoules aux pieds. Mais ça en avait valu le coup.» Au passage de la ligne, 2h12'53''. Meilleur temps personnel. Et un billet d'avion pour Sydney composté au dernier moment.
Dans l'esprit de Swiss Athletics (alors Fédération suisse d'athlétisme), un échelon avait été franchi. L'Obwaldien était jusque-là un coureur de piste. Il avait participé aux Européens de 1998 sur 10'000 m, terminant 19e. Ses aptitudes sur longue distance ne faisaient pas de doute, mais Röthlin voulait travailler sa vitesse de base sur la piste. Reste que pour la fédération, il était temps de changer de discipline.
La pression de la Fédération
«Si la Fédération ne m'avait pas mis une telle pression, j'aurais continué encore un peu sur la piste, explique le natif de Kerns. Mais elle ne m'a pas vraiment laissé le choix. Alors, à l'âge de 24 ans, je suis passé au marathon.» Avec le recul, cette reconversion précoce aura peut-être contribué à la réussite de sa carrière. Même si, pour Röthlin, il ne faut pas trop accélérer le processus: «Si vous ne parvenez pas à améliorer votre vitesse en étant jeune, elle vous fera plus tard défaut sur marathon.»
Finalement 36e à Sydney, Röthlin, aujourd'hui âgé de 45 ans, parviendra à se classer 6e huit ans plus tard à Pékin. Retraité depuis 2014, il continue à s'entretenir et à tenir le compte des kilomètres effectués: «J'aurai bientôt fait quatre fois le tour de la terre.» Mais il s'abandonne aussi à d'autres activités: «Si j'ai peu de temps, je vais courir. Si j'en ai beaucoup, je prends mon vélo ou j'enfile mes skis de fond.» L'endurance, toujours.