Marlies Göhr a amélioré son propre record du monde du 100 m en 10''81 le 8 juin 1983. Aujourd'hui encore, ce chrono la mettrait sur le podium des grands Championnats. Göhr a toujours récusé le reproche d'un dopage d'état en RDA.
Quand la sprinteuse de la RDA, Marlies Göhr a établi son nouveau record du monde à Berlin-Est, ses 10''81 ne semblaient pas devoir durer pour l'éternité. Ni même pour la moitié. Quatre semaines plus tard, la grande rivale de Göhr, l'Américaine Evelyn Ashford, courait deux centièmes plus vite. Mais le temps de Göhr restait remarquable. En 2017, il lui aurait permis de remporter la médaille d'or aux Championnats du monde 2017 et elle aurait décroché l'argent à Doha l'an dernier.
Mais retour en 1983 au Friedrich-Ludwig-Jahn-Sportpark, la Mecque du sport de l'Allemagne de l'Est, là où sont nés beaucoup de records, là où la RDA a étalé sa puissance en athlétisme. On fêtait ce 8 juin 1983 la traditionnelle journée olympique du sport de la RDA. Les records devaient dégringoler. Marita Koch, également une grande rivale de Göhr, est descendue ce jour-là en 10''88 aussi sous les temps de l'ancien record du monde.
Un regard profane
Le monde de l'athlétisme était éberlué et impressionné, le public avec. «C'est un record d'homme» rugissait le speaker du stade à travers le large ovale. Un record d'homme? Le sprinter de Stuttgart, Axel Schaumann, champion ouest-allemand du 110 m haies la même année, s'étonnait incrédule: «C'est injuste que deux femmes courent plus vite que moi.» Injuste? Peut-être, là-dessus la justice sportive s'est fait une idée seulement des années plus tard. Au printemps 1983, on avait un regard bien plus profane sur ces temps merveilleux réussis dans ce 100 m: une température idéale d'un début de soirée, un vent de dos parfait de 1,7 m par seconde et le duel des deux stars du sprint, Göhr et Koch, qui s'aiguillonnaient mutuellement.
La journée olympique de Berlin-Est donnait le coup d'envoi à un été d'athlétisme, qui allait être marqué par les athlètes de la RDA avec Marlies Göhr en fer de lance. Deux mois plus tard, la sprinteuse de Iena était sacrée championne du monde à Helsinki devant Koch et Ashford, qui est tombée lors de la finale. Cette finale du 100 m dames fut un détonateur pour la collection de titres est-allemands. La RDA quittait la Finlande avec dix médailles d'or, sept d'argent et cinq de bronze et bien sûr la première place au tableau des médailles.
Lors des Jeux olympiques 1980 à Moscou, les athlètes américains étaient absents en raison d'un boycott. En 1984 à Los Angeles, c'était au tour des pays communistes de passer leur tour. Mais en 1983 aux Mondiaux à Helsinki, tout ce beau monde était réuni. Tous les Américains et les Soviétiques étaient présents mais les meilleures étaient Marlies Göhr, Marita Koch & Cie. La domination des athlètes de la RDA rayonnait sur le sport. L'image (sportive) du régime de la RDA brillait.
Anabolisants, KS33
Que les nombreux succès de la RDA soient reliés avec la prise de produits dopants ne fut établi après la fin de l'ère communiste en Europe. Göhr s'est retrouvée en point de mire comme athlète de renom du régime de la RDA. Rapidement, la relation fut établie avec son entraîneur Horst-Dieter Hille, qui a reconnu dans les années 90, avoir administré à ses athlètes des tablettes d'anabolisants. Pour Göhr, elle était fournie dans le système sous le numéro de code KS33.
Au contraire de sa coéquipière du relais Ines Geipel, qui a plus tard vilipendé le système d'un dopage organisé, Göhr s'est retrouvée épargnée du reproche de dopage. Son nom a finalement été effacé des listes des records au cours du temps par des athlètes plus rapides et non pas par les chasseurs de dopés, les fonctionnaires ou la justice sportive. Comme Geipel, Göhr a-t-elle renoncé d'elle-même aux mérites? Jamais de la vie! Car Göhr ne veut pas se retrouver en tort, même en toute innocence. Vingt ans après son record du monde de 1983, elle avait répond: «Je savais ce que je prenais; rien à part des vitamines!».