Même dans ses plus beaux rêves, Pascal Richard n'aurait jamais imaginé un scénario aussi parfait: se battre pour la première médaille d'or olympique attribuée aux coureurs professionnels.
Il s'est imposé face à deux anciens coéquipiers qu'il connaissait par cœur.
Oui, comme il le dit aujourd'hui, les cartes avaient déjà été abattues à l'entame du dernier kilomètre de la course sur route des Jeux olympiques d'Atlanta en ce 31 juillet 1996. «Il y avait Maximilian Sciandri et Rolf Sörensen avec moi. Jusqu'à l'année précédente, nous étions coéquipiers dans la formation MG de Giancarlo Ferretti», se souvient le Vaudois.
«Sciandri était un très bon finisseur mais il ne gagnait pas vraiment les grandes courses. Sörensen était donc à mes yeux l'homme à battre», poursuit Pascal Richard, qui l'a fait de manière magistrale: à trente mètres de la ligne, il sortait de la roue du Danois pour le déborder sur sa gauche avec un parfait sang-froid.
«On m'a dit plus tard que Giancarlo Ferretti avait dit devant son écran de télévision, lorsqu'il était acquis que cette échappée à trois était la bonne, que je ne pouvais pas perdre ce sprint, glisse Pascal Richard. Une belle marque de confiance, non ?»
Un coup de maître
Premier professionnel sacré champion olympique sur route grâce à son talent de puncheur – mais aussi grâce à l'habileté du président de l'UCI de l'époque, le controversé Hein Verbruggen, qui a su convaincre le CIO d'ouvrir cette course à tous -, Pascal Richard mesure pleinement la portée historique de sa victoire.
«Il y avait pratiquement tous les meilleurs coureurs du monde sur la ligne de départ: Baldato et Bartoli pour l'Italie, Museeuw pour la Belgique, Jalabert et Virenque pour la France, Indurain et Olano pour l'Espagne, rappelle-t-il. Je me suis souvent opposé à Hein Verbruggen, mais il faut reconnaître qu'il a réussi un coup de maître pour ces Jeux d'Atlanta. Ouvrir la course aux professionnels, c'était vraiment très fort.»
Alors âgé de 32 ans, Pascal Richard pouvait nourrir de réelles ambitions pour cette course olympique même si le tracé devait, sur le papier, sourire à un sprinter. «J'avais gagné au printemps Liège-Bastogne-Liège et, juste avant les Jeux, j'avais enlevé la 12e étape du Tour de France au Puy-en-Velay», précise-t-il comme pour démontrer que son sacre olympique ne devait rien au hasard.
En ce jour de grâce, tout s'est parfaitement enchaîné avec ce contre magistral à 40 km pour répondre à une attaque de Lance Armstrong qui était encore dans sa première «vie», celle d'avant son cancer et de son hégémonie sur le Tour de France.
La révélation de Bogota
Cette conviction qu'Atlanta pouvait être «sa» course, Pascal Richard l'avait forgée une année plus tôt, lors du Championnat du monde en Colombie qui avait été enlevé par l'Espagnol Abraham Olano. «A Bogota, je me sentais très fort, se souvient-il. Seulement, les événements de la course m'avaient été défavorables. J'avais vraiment joué de malchance et j'avais tout de même pris la cinquième place.»
A Atlanta, dans une équipe de Suisse que Tony Rominger n'avait finalement pas souhaité intégrer («il avait disputé le contre-la-montre mais n'avait pas voulu s'aligner sur la course sur route, et on avait dû appeler Thomas Frischknecht qui avait disputé le VTT pour faire le nombre», lâche Pascal Richard), le soutien indéfectible de Rolf Järmann fut précieux. Il fut l'équipier modèle d'une formation dans laquelle figuraient deux autres hommes capables de tenir les premiers rôles, Beat Zberg et Alex Zülle.
Champion du monde de cyclocross et vainqueur notamment du Tour de Lombardie, des Tours de Suisse et de Romandie, Pascal Richard place bien sûr ce titre olympique au sommet de son panthéon personnel. «Cette victoire est devenue au fil des ans la plus belle. Elle suscite chez moi une certaine nostalgie. J'aime me rappeler les moments qui ont précédé la course, les efforts consentis pour la préparer», dit-il.
«Et puis, je croise souvent des gens qui se souviennent très précisément de cette date du 31 juillet 1996, de ce qu'ils ont fait ce jour-là et comment ils ont suivi cette course», conclut Pascal Richard. A l'entendre, cette forme de reconnaissance populaire que ressent également Marc Rosset pour sa médaille d'or conquise à Barcelone quatre ans plus tôt n'a pas de prix.