«J’ai eu ma dose» Kilian Jornet revient sur son dernier exploit de folie

ATS

9.10.2025 - 08:56

La star du trail Kilian Jornet a conclu dimanche un nouveau défi fou, grimpant 72 sommets aux Etats-Unis en 31 jours (5145 km parcourus, avec 123'045 m de dénivelé positif, à pied ou à vélo). L'Espagnol voyait aussi ce challenge comme une expérience pour comprendre comment son corps s'adapte à l'effort.

,

Keystone-SDA, Agence France-Presse

Vous aviez réalisé des projets similaires dans les Alpes (2024) et les Pyrénées (2023). Quelles différences avez-vous remarquées aux Etats-Unis?

«C'est vrai que le format restait un peu le même, mais ici la grande différence, c'était la taille du projet: en distance, c'était trois à quatre fois plus long que dans les Alpes. Et puis la diversité des paysages ! Dans les Pyrénées ou les Alpes, on reste dans un écosystème assez homogène. Là, j'ai commencé au Colorado, sur des hauts plateaux, dans un climat continental. Ensuite, j'ai traversé des déserts, des zones plus alpines, puis des forêts immenses et des régions volcaniques plus au nord. Les paysages changeaient chaque jour, c'était incroyable.»

Qu'est-ce qui vous motive dans ce genre de périple?

«Ce qui m'a vraiment fasciné ici, c'est de voir comment le corps s'adapte à l'effort. La première semaine a été difficile: je suis arrivé, j'ai enchaîné directement, avec le décalage horaire, l'altitude... la première journée d'effort a duré plus de vingt heures ! Le corps luttait contre tout ça. Puis, après une semaine, il a arrêté de résister et a commencé à s'adapter. À la fin, j'étais bien, j'aurais pu continuer encore un mois sans problème. C'est fascinant de voir ce basculement: d'abord c'est une agression, puis le corps finit par dire ‘c'est ma nouvelle normalité’. Quand on lui donne les bons outils – nutrition, repos, gestion de l'effort –, il s'adapte à presque tout.»

Avec la fatigue, les dangers inhérents à la montagne, vous n'avez jamais eu peur de vous blesser?

«Dans les Alpes, l'année dernière, le terrain était plus technique. Ici, c'était davantage un défi d'endurance que d'alpinisme pur. Il y a eu quelques passages techniques dans la Sierra Nevada ou sur le mont Rainier, mais rien de très long. Le plus difficile, c'était la météo: sur 31 jours, j'en ai eu 15 avec du mauvais temps – pluie, neige, tempêtes... Le matin à 04h00, sous la pluie, avec deux heures de sommeil, devoir repartir à vélo dans le froid, ce n'est pas toujours facile. Mais le soleil finit toujours par revenir.»

Vous partagez aussi des bouts de chemin avec des athlètes locaux, cela vous apporte quoi?

«Énormément. J'ai fait à peu près la moitié des sommets seul, et l'autre moitié accompagné. Dans les Alpes ou les Pyrénées, je connaissais déjà la culture, les vallées, les gens. Ici, c'était nouveau, et partager ces montagnes avec des locaux, c'était une manière de comprendre. Quand tu accompagnes quelqu'un dans ‘ses’ montagnes, il te raconte leurs histoires, ça change tout. Et puis j'ai retrouvé des amis, j'en ai rencontré de nouveaux.»

On vous a parfois vu avec des sacs de congélation aux pieds dans les chaussures de vélo, c'est une nouvelle technique?

«Non (rires)! En fait, je ne fais pas souvent du vélo, mais sur cette portion entre la Californie et l'Etat de Washington (1400 km environ), il a plu presque tout le temps. Au bout d'un moment, j'étais trempé en permanence. C'était une façon de faire des chaussures imperméables: mettre des sacs en plastique entre la chaussette et la chaussure, comme ça au moins on peut garder les pieds au sec pendant quelques heures.»

On a l'impression que vous vous épanouissez encore plus dans ces projets que dans les courses désormais...

«Aujourd'hui je suis content, j'ai eu ma dose pour le moment avec ce type de défi. Mais j'aime vraiment le format: parcourir de longues distances, gravir des sommets, explorer. J'ai plein d'idées, il faut trouver le temps. J'aime encore courir, m'entraîner, me confronter à la compétition, mais l'émotion n'est plus la même que lors de mes premières victoires. En revanche, sur des projets comme celui-ci, il y a une intensité encore très grande.»