Personnage orgueilleux, caractériel et obstiné, le Britannique Mark Cavendish, qui prendra sa retraite à la fin de saison, restera dans l'histoire comme l'un des meilleurs sprinteurs à être jamais monté sur un vélo.
Au lendemain de son 38e anniversaire, l'homme de Man a profité de la journée de repos sur le Tour d'Italie lundi pour annoncer qu'il vivait ses dernières semaines de coureur professionnel sous les couleurs de l'équipe Astana.
«C'est mon dernier Giro d'Italia et 2023 sera ma dernière saison», a lâché avec des trémolos dans la voix le champion du monde 2011, entouré de sa femme et ses enfants.
«Pendant plus de 25 ans, le cyclisme m’a donné la chance de sillonner le monde et de rencontrer des gens incroyables, a-t-il encore livré, ému. Ce sport m’a appris tant de choses sur la vie, le dévouement, la loyauté, l'esprit équipe, le sacrifice, l'humilité... toutes ces choses importantes que j'essaie en tant que père de montrer à mes enfants. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon fils Casper. Par chance, c'est une journée de repos et je vais pouvoir le fêter avec lui. Dorénavant, je pourrai être présent à chaque anniversaire.»
Mais avant de ranger le cuissard, il s'est fixé un ultime objectif: remporter en juillet une 35e victoire d'étape sur le Tour de France pour battre le record qu'il partage actuellement avec le meilleur cycliste de tous les temps, le Belge Eddy Merckx. Le défi est à la mesure du personnage: ambitieux et clinquant.
Mark Cavendish, c'est d'abord un palmarès. 161 victoires au total, dont Milan-SanRemo, le titre de champion du monde, 34 victoires d'étape sur le Tour de France, 16 sur le Tour d'Italie et 3 sur le Tour d'Espagne: le CV du Britannique en jette.
La plupart de ces succès, l'ancien pistard les a arrachés avec les dents, porté par une soif de vaincre rare. «Quand je me réveille en pleine nuit, je ne pense pas à ma femme mais à la prochaine ligne d'arrivée», dira-t-il un jour à la BBC.
«Mauvaise humeur»
Et lorsqu'il se rendra cet été en chasse sur le Tour de France, ce ne sera «pas pour remporter juste une étape de plus», même si elle le propulserait devant Merckx, mais «pour en gagner autant que possible». Car lorsque cet éternel insatisfait gagne une course, il «commence immédiatement à penser à la suivante».
«Pour Mark, il n'y a que la victoire qui compte», confiait Patrick Lefevere, son ancien directeur sportif chez Quick-Step, un soir de victoire à l'AFP.
Cet appétit vorace lui a notamment permis de survoler le Tour de France 2021 en raflant quatre étapes et le maillot vert pour clouer le bec aux critiques des médias britanniques.
Mais il ne lui a apporté pas que des amis dans le peloton. Son caractère fort, son attitude souvent qualifiée d'arrogante, des gestes parfois déplacés lui ont collé une image de caïd, «de sale gosse», comme il le concédait lui-même.
«Lorsqu'il ne gagne pas, il peut être de mauvaise humeur pendant des jours. Mais en réalité c'est quelqu'un de charmant», assurait son ex-coéquipier belge Tom Boonen, sprinteur comme lui.
Ses dix-sept années professionnelles ont été loin d'être un fleuve tranquille pour «The man of Man» qui aura connu les affres d'une dépression et l'offensive du virus d'Epstein-Barr.
Couteau sous la gorge
Ces derniers mois ont encore été agités dans la vie sinusoïdale du «Cav». Deux hommes ont été condamnés cet hiver à respectivement 12 et 15 ans de prison pour avoir braqué son domicile en 2021, rouant le médaillé d'argent olympique en 2016 de coups et le menaçant d'un couteau sous la gorge, sous les yeux de ses enfants et de son épouse Peta.
Sur le plan professionnel aussi, ça a été compliqué. En fin de contrat avec Quick-Step, Cavendish pensait trouver une nouvelle maison chez B&B Hotels mais l'équipe bretonne a périclité faute se parraineur.
Après quelques semaines de confusion, il a atterri chez Astana où son ancien coéquipier Alexandre Vinokourov, devenu manager de l'équipe kazakhe, lui a tendu la main pour une saison.
Ce sera la dernière donc et s'il n'a pas encore levé les bras en 2023, il demeure compétitif comme le montre sa troisième place lors de la 11e étape du Giro.
«Au début de ma carrière, on m'a demandé ce que je voulais, a-t-il déclaré cet hiver à la Gazetta dello Sport. J'ai répondu que s'il existait un livre avec tous les plus grands cyclistes, je voulais y être, peu importe à quelle place».