En bronze à Tokyo en 2021 pour la «première» olympique du BMX Freestyle, Nikita Ducarroz est à nouveau de la partie trois ans plus tard à Paris. Forcément ambitieuse, elle n'oublie pas l'essentiel: «Le côté fun est primordial», lâche-t-elle.
La Genevoise de désormais 27 ans a poursuivi depuis trois ans sa progression, dans une discipline promise aux jeunes et en constante évolution. Le temps a filé à une vitesse folle à ses yeux. «J'ai l'impression que les Jeux de Tokyo viennent de se terminer», souffle-t-elle.
La native de Nice – dont le père est Suisse et la mère Américaine – n'a pourtant pas perdu son temps depuis son exploit nippon. Alors que la concurrence continuait de se renforcer, elle a ajouté en 2022 une deuxième médaille d'argent mondiale à son palmarès après celle conquise à Montpellier peu avant les JO de Tokyo.
Une globe-trotteuse
Nikita Ducarroz a accueilli Keystone-ATS fin mai dans «son» skatepark de Plainpalais, là où elle aime s'entraîner lorsqu'elle trouve le temps de rendre visite à sa famille à Genève. Sa qualification pour Paris n'était alors pas encore validée, mais n'était plus qu'une formalité.
«Je continue à m'entraîner à fond avant tout dans l'optique des Jeux de Paris. Je travaille un maximum de tricks supplémentaires, j'essaie sans cesse d'ajouter de nouvelles figures», souligne la Genevoise, dont le ticket pour ces JO 2024 allait être validé un mois plus tard.
«Quand je répète trop souvent la même chose pendant une trop longue période, je m'ennuie un peu», nuance-t-elle. «Mais quand je suis à la recherche de nouvelles choses, c'est plus facile. J'essaie de rouler en compagnie de mes copains, ce qui me donne envie de tester ces tricks. C'est aussi comme cela qu'on apprend», précise-t-elle.
«Il faut juste que je travaille tous les jours afin de tout maîtriser à Paris», poursuit Nikita Ducarroz, qui peaufine sa préparation aux Pays-Bas. Alors qu'elle vit pour l'heure aux Etats-Unis, mais devrait bientôt opter pour le Costa Rica où les conditions sont idéales pour la pratique du BMX.
«C'est parfois un peu difficile de voyager autant avec tous ces changements d'horaire», souligne-t-elle. «Mais c'est un peu normal pour notre sport, c'est normal de devoir voyager même avant des JO. Et il n'y avait pourtant pas beaucoup de compétitions aux Etats-Unis», note-t-elle.
Un niveau général qui augmente
Ces voyages à répétition ne la gênent pas le moins du monde, bien au contraire. «Il faut voyager pour rencontrer d'autres gens. C'est quelque chose qui m'attire beaucoup. J'ai d'ailleurs tout de suite aimé beaucoup voyager et découvrir d'autres pays quand j'ai commencé à pratiquer mon sport», se souvient-elle.
Un sport qui, faut-il le rappeler, a transformé une jeune femme qui avait souffert très jeune de troubles de l'anxiété. Une situation qui avait empiré jusqu'à ses 14 ans, et qui l'empêchait de sortir de chez elle. Désormais, aller à la rencontre des gens et des cultures constitue l'un des grands bonheurs de sa vie.
Sportive accomplie et rayonnante, Nikita Ducarroz fait face à une concurrence de plus en plus féroce, avec l'émergence récente des Chinoises, et de plus en plus jeune aussi. «Le niveau est vraiment monté depuis quatre ou cinq ans. C'est vraiment cool de voir cette progression», sourit-elle.
«Certaines de ses filles sont déjà meilleures que moi», constate-t-elle, sans jalousie mais avec une envie décuplée de s'améliorer aussi. «Ca fait partie du développement normal de ce sport», ajoute-t-elle, rappelant que d'autres «pionnières» sont toujours là.
Une «ancienne»?
Mais se sent-elle «vieille»? «Ouais, je commence à me sentir comme une ancienne», se marre-t-elle. «Mais chez les hommes, certains ont plus de 35 ans. Je ne suis pas finie. Je me sens bien, je suis peut-être même meilleure qu'à Tokyo, alors je vais continuer comme cela quelques années encore», assure-t-elle.
Nikita Ducarroz rêve forcément d'une médaille à Paris, où les qualifications sont prévues le 31 juillet et la finale le lendemain. Mais «je sais que cette fois, ça va être vraiment difficile», concède-t-elle, soulignant à quel point l'élite s'est récemment élargie dans la discipline.
Un nouveau podium olympique ne changera toutefois pas sa vie. «Ma médaille de Tokyo m'a offert de nouvelles opportunités. Et certaines personnes qui ne connaissaient pas notre sport s'y intéressent désormais en Suisse. Mais ça n'a pas changé ma vie. Même si je me sens mieux qu'il y a trois ans sur le plan mental», explique-t-elle.
«Cette médaille m'a donné un peu de crédibilité, pas dans mon sport où j'en avais déjà, mais en dehors. A part ça, je fais toujours la même chose, tous les jours: je fais du vélo, c'est ce que j'aime faire», glisse-t-elle.
Mécano à ses heures
Grâce à différents sponsors, dont une boisson énergétique très présente dans les sports fun, Nikita Ducarroz parvient à gagner suffisamment pour se concentrer exclusivement sur le BMX. Mais elle ne roule pas sur l'or, et chérit chacune de ses bécanes dont la valeur est d'environ 2000 francs.
La Genevoise – qui emporte toujours en compétition sa monture favorite ainsi qu'un vélo de rechange – doit d'ailleurs jouer régulièrement les mécanos en cas de pépin mécanique. Même si «on reste une grande famille dans laquelle on n'hésite pas à s'entraider», précise-t-elle.
Nikita Ducarroz a d'ailleurs elle même nettoyé le skatepark de Plainpalais ce jour-là après une averse. Mais elle avoue volontiers ne pas être toujours aussi souriante. «Ce n'est pas possible d'être tout le temps heureuse. Il y a quand même des jours où j'ai moins envie de faire du vélo», lâche-t-elle.
«C'est aussi pour cela qu'il est vraiment important de garder le côté fun. Parce que ça, c'est le feeling qu'on avait tous à nos débuts. J'ai encore cette flamme aujourd'hui. Parfois je l'oublie, mais il suffit juste que je me souvienne du plaisir que j'ai sur le vélo», conclut-elle.