Julian Alaphilippe, en tête du Tour de France à l'entame de la troisième semaine, refuse l'ambition de victoire finale, conscient que le maillot jaune «ne tient qu'à un fil». Parcours, équipe, récupération: les interrogations sont nombreuses à l'approche de la dernière ligne droite.
A-t-il le profil pour tenir ?
Cinq étapes à tenir avant les Champs-Elysées, dont trois de suite en haute altitude dans les Alpes. Six sommets à plus de 2000 mètres, 12 ascensions répertoriées, deux arrivées dans les hauteurs et des passages sur les cols mythiques du Galibier puis de l'Iseran.
Alaphilippe a les jambes de sa vie, mais résistera-t-il aux favoris du classement général, qui ont dépensé beaucoup moins d'énergie jusque-là ? «Le plus dur reste à venir», a-t-il répété lundi en conférence de presse, le visage encore marqué par ses efforts de la veille.
«Une minute trente d'avance, c'est beaucoup et peu à la fois. Une défaillance dans un col de 15, 20 kilomètres et c'est terminé», a-t-il analysé, conscient que l'enchaînement des hauts sommets, qu'il a reconnus, ne sera pas à son avantage. «La montée de Val Thorens (samedi, à la veille de l'arrivée à Paris), ça sera terrible jusqu'au sommet. Quand je regarde le profil de ces étapes alpestres, je me dis que mon maillot ne tient qu'à un fil.»
Son équipe est-elle assez forte ?
La défaillance spectaculaire d'Enric Mas, le grimpeur espagnol de l'équipe Deceuninck, censé initialement jouer le top 5 du général, a de quoi inquiéter Alaphilippe, vite esseulé quand la route s'élève. Dimanche, il a dû aller chercher lui-même un bidon à la voiture de sa formation dans la dernière descente, avant-même l'ascension finale !
«Pour jouer la victoire finale, on aurait besoin de gens qui grimpent bien et aujourd'hui cela nous manque, donc il ne faut pas rêver», a concédé Patrick Lefévère, le patron de la formation belge.
«Nous n'avons pas l'équipe pour gagner le Tour», a repris Alaphilippe. «On savait bien qu'en arrivant avec trois leaders (Elia Viviani, Mas et lui-même), on ne pourrait pas avoir cinq équipiers autour de chaque leader».
En revanche, il dispose de l'équipe idéale pour être tranquille jusqu'à jeudi, car Deceuninck fait figure de rouleau compresseur sur les étapes de transition aux profils moins pentus.
Peut-il récupérer ?
«Il a perdu beaucoup de forces», constate Davide Bramati, le directeur sportif de l'équipe. Entre ses attaques d'Epernay (3e étape), de Saint-Etienne (9e étape), ses efforts fournis en tête du peloton pour le sprinter de l'équipe Elia Viviani sur les étapes de plat, son contre-la-montre disputé à bloc et les deux usantes étapes pyrénéennes, Alaphilippe ne s'est pas préservé.
Et son directeur sportif voit mal les journées à venir comme de réelles chances de recharger les batteries. «Dès mercredi, il y aura sûrement 100 coureurs qui voudront aller dans l'échappée, donc cela pourrait aller à bloc pendant 100 kilomètres. Et ensuite, les Alpes...», liste l'Italien.
De plus, depuis le début du Tour, Alaphilippe n'a passé que quatre étapes sans le maillot jaune. Le reste du temps, il a dû se soumettre au long protocole qui accompagne chaque fin d'étape d'un maillot jaune.
Lundi encore, il a passé près de 20 minutes avec la presse dans une salle surchauffée, avant de s'octroyer un peu de repos. «Je suis content de pouvoir souffler un peu, voir ma famille et ne pas toucher le vélo», a-t-il confié, peu avare de mots comme à son habitude. «Cela fait partie du maillot jaune, je suis content de le faire. Si vous voulez me poser plein d'autres questions, allez-y ! Je réponds les mêmes choses à chaque fois !»