Entraîneur en chef de l'équipe de Suisse messieurs, Thomas Stauffer se livre sans retenue dans une interview à Keystone-ATS. Le Bernois ne cache pas qu'il déborde d'ambitions pour une équipe qu'il a menée cet hiver vers des sommets presque insoupçonnés.
Thomas Stauffer, la saison s'est conclue de manière abrupte en raison de la pandémie du coronavirus. Comment avez-vous vécu ces dernières semaines ?
«Nous avons toujours pensé en premier lieu la santé des skieurs et des autres membres de l'équipe. Même si les décisions ont mis un certain temps à tomber, la FIS a agi comme elle devait le faire.»
Tous les domaines skiables sont aujourd'hui fermés. Quel est le quotidien de vos skieurs ?
«Nous avons définitivement tiré le rideau vendredi dernier. Les skieurs sont rentrés à la maison. Ils peuvent, s'ils le désirent, travailler sur le plan physique. Mais l'heure est plutôt à la récupération. Nous devons veiller à ce qu'ils bénéficient de bonnes conditions d'entraînement lorsque le temps sera venu de reprendre le collier.»
Vous devez être un entraîneur heureux. L'équipe de Suisse messieurs est désormais la meilleure...
«Il est gratifiant de regarder la place qui est la nôtre aujourd'hui. Cette place de no 1, nous la voulions. Nous l'avons obtenue grâce à la progression de nos skieurs et à leur faculté de réussir une grande performance le jour où il le fallait.»
Quels sont les skieurs qui vous ont vraiment surpris ?
«Je ne veux pas commencer à répondre à cette question. La liste est trop longue... Mais le fait est que nous avons été en mesure de lutter pour les premières places dans toutes les disciplines. Nous nous sommes présentés au départ de chaque course avec la ferme conviction de pouvoir la gagner. Il y a cinq ans, nous étions bien loin d'avoir la même approche.»
Vous avez repris au printemps 2014 une équipe qui n'était que la sixième dans la hiérarchie. Comment expliquer une telle métamorphose en moins de six ans ?
«Grâce à un effort constant dans toutes les disciplines. Si une équipe veut prendre la main comme nous avons pu le faire cet hiver, elle doit être devant dans chaque course. Etre présente par exemple sur les dix ou douze slaloms de l'hiver.»
N'avez-vous jamais douté ?
«J'ai toujours eu la foi. La chance aussi d'avoir du temps. Nous avons rencontré des débuts un peu compliqués. Au printemps 2015, Didier Défago et Silvan Zurbriggen ont, ainsi, pris leur retraite. Ils ont laissé un certain vide. Mais la relève s'est opérée presque naturellement. Même s'il y a eu des disciplines qui ont souffert parfois de manque de résultats, j'ai le sentiment que nous avons toujours su conserver unecertain équilibre. Durant ces six ans, il n'y a pas eu de cassures qui auraient pu nous conduire à changer de cap.»
La Suisse est désormais l'équipe à battre. Que cela change-t-il ?
«Il est exclu de nous reposer sur nos lauriers. J'attends de mes skieurs une implication totale dès cet été. Nous avons encore bien des choses à prouver. Un Daniel Yule, pour prendre un exemple, n'a pas gagné la Coupe du monde de slalom malgré ses trois succès. A lui de remporter l'hiver prochain la course de plus qui changera tout. Je souhaite que Beat Feuz témoigne de la même constance. Je veillerai aussi à ce que Mauro Caviezel, après avoir remporté la Coupe du monde de Super G, bénéficie d'un entourage encore plus fourni pour demeurer le no 1 de la spécialité.»
Et la relève ?
«Il ne faut pas s'attendre à la voir bouleverser la hiérarchie. Mais il y a deux ou trois espoirs qui frappent à la porte. Ils doivent toutefois passer par la case Coupe d'Europe avant de franchir le palier décisif.»
Dans quelle mesure la pandémie du coronavirus va-t-elle changer vos plans en vue de la prochaine saison ?
«Tout est bouleversé. En premier lieu, il n'y aura pas de ski au printemps. Nous ne savons pas quand pourra débuter l'entraînement physique. Normalement, nous devons nous retrouver lors de la deuxième semaine de mai. Par ailleurs, il n'est pas possible de prévoir un camp d'entraînement dans l'hémisphère sud. Mais cela n'est pas un problème dans la mesure où nous trouverons des solutions en Suisse. Dans cette situation, il n'y a qu'une seule ligne de conduite à suivre: celle qui commande de rester calme.»