Paris-Roubaix Van Aert, Van der Poel et l'Enfer du dimanche

ATS

9.4.2023 - 06:00

Sur le papier, Wout Van Aert et Mathieu van der Poel partent favoris de Paris – Roubaix. Mais dimanche c'est l'Enfer du nord, un Monument du cyclisme sans équivalent et délicieusement imprévisible, qui n'a jamais ménagé ceux qui font les malins au départ.

Sur le papier, Wout Van Aert et Mathieu van der Poel partent favoris de Paris – Roubaix.
Sur le papier, Wout Van Aert et Mathieu van der Poel partent favoris de Paris – Roubaix.
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Keystone-SDA

«Les coureurs passent, la course reste», résume Thierry Gouvenou, le directeur de «la Reine des classiques», l'un de ces rares événements sportifs où la star, c'est l'épreuve, avant ses acteurs.

Paris-Roubaix, dont on fête la 120e édition, est un mythe, un hommage au sacrifice et à la souffrance. C'est un ogre qui avale et digère des coureurs propres comme un sou neuf au départ à Compiègne, pour les recracher tout crottés, couverts de boue et avec la gueule noire comme celle d'un mineur du Nord au vélodrome de Roubaix.

Dompter les pavés – 54,5 km cette année sur un parcours de 256,6 km – reste un exploit incommensurable. Car à Paris – Roubaix, comme le rappelle Thierry Gouvenou, le pavé n'est «pas un pavé bourgeois, bien lisse, bien poli» comme celui du Tour des Flandres qui propose d'autres instruments de torture avec ses monts très raides.

Non, à Paris-Roubaix, le pavé est irrégulier, disjoint, défoncé. Ce qui, un jour, inspira au coureur américain Chris Horner le commentaire suivant: «c'est comme si avait labouré un chemin de terre et balancé dessus des palettes de pavés depuis un hélicoptère».

Lever les bras au vieux vélodrome de Roubaix offre la gloire à vie. Cela veut dire que, déjà, on a réussi à finir, mais aussi à se jouer des pièges qui font de cette course la plus ouverte de l'année.

«Cela pourrait aller mieux»

Ainsi, les onze dernières éditions ont connu autant de vainqueurs différents. Chutes, crevaisons, fringale, casse de matériel... les aléas sont innombrables et se concentrent souvent sur les vingt-neuf secteurs pavés, dont la légendaire trouée d'Arenberg, «jamais aussi propre» après le passage des biquettes désherbantes, ou l'épouvantable carrefour de l'Arbre.

Qui pour les dompter? Sur le papier, en l'absence de Tadej Pogacar qui s'estime encore un peu trop freluquet pour venir danser sur les routes de l'Enfer, les armoires à glace de luxe, Wout Van Aert et Mathieu van der Poel, tiennent en toute logique le haut du pavé.

Les deux rivaux attendent toujours, à 28 ans, d'inscrire la Reine des classiques à leur palmarès. Van der Poel est l'homme en forme, vainqueur de Milan – Sanremo et deuxième du Tour des Flandres. Le Néerlandais, troisième à Roubaix en 2021, se dit «prêt à 100%» et avance avec davantage de sérénité que Van Aert.

Car le Belge, qui n'a remporté jusque-là qu'un seul Monument, est sous pression après son nouvel échec au Tour des Flandres (4e). Ces derniers jours, il était plutôt ronchon. «Cela pourrait aller mieux. Ma chute dimanche m'a affecté plus que je le pensais: j'ai un peu mal au genou et aux côtes», a-t-il dit, repoussant l'étiquette de favori sur Van der Poel.

A la mémoire de Goolaerts

Méfiance tout de même: l'année dernière, à peine remis du Covid, il avait dit venir dans un simple rôle d'équipier avant de finir deuxième. Et il peut compter sur une équipe Jumbo-Visma renforcée encore par l'arrivée du vainqueur sortant, Dylan van Baarle, à côté du Français Christophe Laporte.

Van Aert qui, contrairement à certains équipiers, n'utilisera pas un nouveau système de pression des pneus ajustable, espère aussi trouver un supplément d'âme dans le souvenir de son ami Michaël Goolaerts, victime d'un arrêt cardiaque il y a cinq ans sur Paris – Roubaix. «Wout veut gagner sur le vélodrome en hommage à Goolie», a déclaré à la Dernière Heure Michiel Elijzen, le directeur sportif de l'équipe Vérandas Willems à l'époque où Van Aert et Goolaerts y couraient ensemble.

Parmi les outsiders, l'as du chrono italien Filippo Ganna, le Thurgovien Stefan Küng et le Danois Mads Pedersen ont l'étoffe des héros. Tous s'attendent à souffrir à nouveau, mais sont revenus, aimantés par une course à nulle autre pareille, dont le pouvoir d'attraction se résume par ce verdict de Franco Ballerini, un jour de grande détresse à Roubaix: «je ne reviendrais plus jamais», avant de revenir quand même et de gagner le mythe à deux reprises.