La star franco-malienne Aya Nakamura, qui pourrait chanter Edith Piaf en ouverture des Jeux olympiques de Paris, se retrouve au coeur d'une polémique lancée en France par l'extrême droite, les organisateurs des JO se disant «choqués» par des «attaques racistes».
«Nous avons été très choqués par les attaques racistes visant Aya Nakamura ces derniers jours. Total soutien à l’artiste française la plus écoutée dans le monde», a réagi auprès de l'AFP le comité d'organisation des JO de Paris.
Tout est parti de l'hebdomadaire français L'Express, qui assure que l'intéressée aurait évoqué avec le président Emmanuel Macron son éventuelle participation à la cérémonie d'ouverture des JO (26 juillet-11 août), avec la possibilité d'y reprendre Edith Piaf.
Le chef de l'Etat et la chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde n'ont pas confirmé cette rumeur, mais l'idée hérisse l'extrême droite.
Dimanche, des huées ont retenti à l'évocation de l'artiste lors d'un meeting de campagne pour les élections européennes du parti d'extrême droite Reconquête! à Paris.
Un groupuscule d'ultradroite a, lui, posté sur les réseaux sociaux une photo d'une banderole tendue par une dizaine de ses membres sur les bords de Seine proclamant: «Y'a pas moyen Aya, ici c'est Paris, pas le marché de Bamako !».
L'expression «Y'a pas moyen» est tirée de son hit «Djadja», qui cumule plus de 950 millions de vues sur YouTube.
Aya Nakamura a vivement réagi sur les réseaux sociaux, en accusant ses détracteurs d'être «racistes». «Je deviens un sujet d'état numéro 1» et c'est ça «qui vous fait mal», a-t-elle lancé, avant de conclure: «je vous dois quoi en vrai? Kedal».
«France rance»
Avec cette réaction, la chanteuse exporte ce débat à l'international: suivie par près de 1,3 million de personnes sur le réseau X et près de quatre millions sur Instagram, la reine du R'N'B francophone est souvent citée dans les posts de Madonna, dont les enfants sont fans de l'interprète de «Copines».
Dadju, l'un des poids lourds du R'N'B en France, a aussi pris la défense de la chanteuse: «C'est pour ca qu'on est en retard ici. Vous lynchez la plus grosse artiste du pays avec des arguments de CM1», classe d'école primaire. «C'était meme pas un combat mais mtn (maintenant) faut qu'elle chante».
La ministre française des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a également apporté son soutien à la chanteuse: «Chère Aya Nakamura, foutez-vous du monde entier», a-t-elle écrit sur X.
«Ils prétendent aimer leur pays mais ils veulent en exclure la chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde depuis Edith Piaf. On ne peut pas être raciste et patriote en France», a fustigé de son côté le député de la gauche radicale Antoine Léaument.
Les attaques de l'extrême droite seront-elles contre-productives ? «C'est une polémique partie d'une France rance mais ce n'est pas eux qui vont décider. J'espère qu'elle va chanter aux JO, ça devient impérieux», affirme à l'AFP Carole Boinet, directrice de la rédaction du magazine culturel français Les Inrockuptibles.
Les anti-Aya Nakamura raillent les libertés qu'elle prend avec la langue française, comme dans «Djadja», mêlant vocabulaire et images venues des quatre coins du monde ("J'suis pas ta catin, Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça").
C'est oublier que la musique populaire s'est toujours nourrie de textes faciles, voire simplistes. On peut citer les succès «Ob-la-di, Ob-la-da» des Beatles ou «De do do do, De da da da» de Police.
«Double culture»
«Je peux comprendre que certains se disent: +Pour qui elle se prend celle-là, à nous narguer avec notre langue française+ mais c'est important d'accepter la culture des autres et, moi, j'ai une double culture», disait la star récemment à l'AFP.
«Aya Nakamura a inventé cette langue qui est formidable. Elle a des tubes dingues, la France devrait s'enorgueillir d'avoir une artiste comme elle connue à l'international», note Carole Boinet.
«C'est impardonnable que des racistes puissent s'en prendre à une artiste pour ses origines et sa couleur de peau, alors que les JO transcendent les frontières», affirme de son côté à l'AFP Angelo Gopee, patron de Live Nation France, antenne nationale de l'un des plus gros producteurs de spectacles au monde.
«Tous les politiques devraient être vent debout», souligne-t-il.