La flamme olympique sera allumée vendredi à Pékin en l'absence du gouvernement suisse. Ce «forfait» illustre de manière emblématique le dilemme entre de bonnes relations économiques avec le troisième partenaire commercial et les droits de l'Homme en Chine.
Le 12 janvier, le Conseil fédéral s'était encore prononcé en faveur de l'envoi d'un membre du gouvernement aux Jeux olympiques et paralympiques de Pékin, sous réserve de la situation épidémiologique. Mais sa décision définitive est tombée la semaine dernière.
La Suisse officielle renonce à participer. Cette décision a été motivée d'une part par l'incertitude de la situation sanitaire en Suisse, mais aussi par le fait qu'aucune rencontre bilatérale substantielle n'est possible en raison des mesures mises en place par Pékin. Seul l'ambassadeur suisse sera présent sur place.
La Suisse rejoint ainsi une série d'Etats dont les représentants politiques seront également absents – mais avec une justification différente. Ainsi, les Etats-Unis avaient déjà demandé au CIO de reporter ces Jeux en raison du non-respect des droits de l'Homme en Chine et ont décidé par la suite d'un boycott diplomatique. D'autres pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne, le Canada et le Japon se sont joints aux Etats-Unis.
Appels au boycott également en Suisse
En amont des Jeux olympiques, des appels au boycott ont également été lancés en Suisse, notamment par des représentants de la communauté tibétaine.
La question des droits de l'Homme a d'ailleurs toujours été à l'origine de divergences entre la Suisse et la Chine. La dernière fois, c'était lors de la présentation de la stratégie de la Suisse vis-à-vis de la Chine, présentée mi-mars 2021 par le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis.
Cette stratégie, qui est la première du genre, définit les objectifs et les mesures de la politique suisse à l'égard de la Chine pour les années 2021 à 2024. Le Conseil fédéral considère la Chine comme un pays prioritaire de sa politique étrangère. Il veut viser une coopération dans tous les domaines où existent des intérêts suisses et défendre avec assurance les valeurs fondamentales qui figurent dans la Constitution helvétique.
Selon lui, la Chine devrait être intégrée dans un ordre mondial libéral. Mais il a notamment été constaté que les tendances autoritaires avaient augmenté en Chine ces dernières années, tout comme la répression des dissidents et la persécution des minorités.
La Chine peu satisfaite de la stratégie
Alors que l'économie a salué la stratégie, la gauche et les organisations de défense des droits de l'Homme l'ont vivement critiquée, estimant qu'elle ne mettait pas l'accent sur les droits de l'Homme. L'ambassadeur de Chine en Suisse, Wang Shihting, a également émis de vives critiques: il a accusé la Suisse d'ingérence dans les affaires intérieures de la Chine.
«Il est regrettable que la Suisse porte dans ce document des accusations et des attaques infondées contre le système politique, la politique des minorités ainsi que la situation des droits de l'Homme en Chine», a déclaré l'ambassadeur chinois dans une émission de la radio SRF. Il s'est toutefois montré ouvert au dialogue.
Le dialogue sur les droits de l'Homme avec la Chine était de fait en suspens depuis trois ans, après que les Etats-Unis avaient rédigé une prise de position sur la politique de la Chine en rapport avec la minorité musulmane des Ouïghours. Vingt-deux États, dont la Suisse, avaient alors signé cette prise de position. La Chine a ensuite annulé la discussion sur les droits de l'Homme prévu pour août 2019. Aucun dialogue n'a eu lieu non plus en 2020.
La reprise du dialogue n'était toutefois pas placée sous une bonne étoile fin décembre. Une panne d'avion avait alors empêché une visite du ministre suisse des Affaires étrangères Ignazio Cassis avec son homologue chinois Wang Yi. Cassis voulait notamment expliquer la stratégie de la Suisse vis-à-vis de la Chine. L'échange a finalement eu lieu, même si ce n'était que par téléphone.