Dix courses, cinq médailles d'or. La délégation suisse du ski alpin a fait très fort lors des JO de Pékin, si fort qu'aucune nation n'avait réussi pareil exploit avant.
Avant le team event, ce sont donc neuf médailles que les Suisses ont raflées, dont sept pour les femmes. Ce total représente le deuxième meilleur bilan des Jeux d'hiver après ceux de Calgary en 1988. Au Canada, les représentants de Swiss-Ski avaient ramené onze breloques.
Le ski alpin est bel et bien le moteur olympique des Jeux d'hiver. En dépit de cette abondance de métaux, Swiss-Ski essuie quelques critiques sur la largeur de ses cadres. Directeur du ski alpin au sein de la fédération, Walter Reusser goûte assez peu à ce genre de remarques négatives, mais il dresse avant tout un bilan positif.
«Je n'ai pas encore vraiment pris le temps de penser à tout ce que nous avons réalisé ici. Après que les choses se sont mal passées dans la deuxième moitié des Championnats du monde de Cortina il y a un an, nous nous sommes concentrés sur le fait d'être prêts pour la deuxième semaine également. Et je pense que nous y sommes heureusement bien parvenus», a-t-il déclaré
Nerveux à chaque course
Pas franchement fan des pronostics, Walter Reusser voulait avant tout avoir des chances de médaille dans chaque course. Et c'est ce qui est arrivé. Les seuls «couacs» en alpin sont venus d'Odermatt lors du Super-G et des garçons engagés en combiné.
«On s'est moqué de moi lorsque j'ai dit un jour que je voulais être nerveux à chaque course, car chaque course représente un enjeu pour nos athlètes, a rappelé le directeur du ski alpin suisse. Nous étions conscients de nos possibilités. Malgré tout, il faut toujours être humble. La descente des hommes l'a montré. Si Beat Feuz avait été 0''17 plus lent, cela n'aurait même pas suffi pour une place sur le podium. Cela montre que rien n'est jamais acquis.»
Si le ciel du ski alpin helvétique est bleu azur en ce moment, il convient aussi de souligner l'importance d'athlètes d'exception au sein de la délégation. Pouvoir disposer de davantage de cartouches ne serait pas dommage à l'avenir.
Chercher le cheveu sur la soupe
«Quel coureur qui ne soit pas un athlète d'exception a remporté une médaille ?, interroge Walter Reusser. Peut-être qu'aujourd'hui, un athlète n'est exceptionnel que parce qu'il est entouré d'une bonne équipe. Je suis un peu agacé par ce genre d'affirmation, qui consiste à chercher à nouveau le cheveu sur la soupe. En Coupe d'Europe, combien de courses nos athlètes ont-ils gagnées et sont en route vers une place fixe en Coupe du monde ? Il faut peut-être se défaire de l'idée que l'on doit être de classe mondiale à 19 ans déjà. Regardez l'âge des meilleurs. Il n'y a pas de jeunes de 20 ans sur le podium. Il y a déjà des athlètes d'exception, un Marco Odermatt ou un Clément Noël. Mais ce sont les plus jeunes qui sont devant.»
A la question d'élargir la base afin d'avoir davantage d'athlètes, le patron tient à mettre les choses au point: «On ne peut pas simplement dire «il faut un peu plus d'athlètes pour dénicher un athlète d'exception». Ce n'est pas du nombre que naît un coureur exceptionnel. Nous avons besoin de ces coureurs pour pouvoir mettre notre infrastructure à disposition, pour que les meilleurs athlètes puissent toujours s'entraîner dans les meilleures conditions. Grâce à eux, les autres coureurs, où qu'ils s'entraînent, ont une référence de haut niveau.»
Et la relève ?
La question de la relève existe pourtant lorsque des athlètes comme Beat Feuz et Lara Gut-Behrami décideront de prendre leur retraite. «Qui est le troisième plus jeune athlète dans les trente en descente ? Niels Hintermann, assène Walter Reusser. Et Stefan Rogentin n'est pas beaucoup plus âgé. En Coupe d'Europe, nous avons des coureurs qui sont de loin les plus jeunes en slalom. Logiquement, nous n'avons pas vingt coureurs, mais nous avons beaucoup de bons jeunes. Lorsque j'ai pris mes fonctions chez Swiss-Ski, j'ai dit que nous voulions encourager la relève autrement. Nous avons déjà investi énormément et modifié des choses stratégiques. Mais il faut dix ans pour que ces athlètes soient prêts. C'est là que des erreurs ont été commises par le passé, parce qu'on n'a pas eu de patience et qu'on s'est laissé porter par l'année de naissance et non par la performance.»
Et Walter Reusser de conclure: «Nous ne devons pas non plus oublier qu'en Suisse, les choses se passent différemment que dans d'autres pays. Nous attendons de nos enfants qu'ils suivent une bonne formation et qu'ils progressent rapidement dans le sport. C'est difficile. De cette manière, on a tendance à 'casser' les jeunes. Soit on les retire de cette structure à l'âge de 13 ou 14 ans, soit on leur donne deux ou trois ans de plus.»
ATS