Killian Peier tient la forme. Le sauteur vaudois se fait une place dans les 15 meilleurs mondiaux. Une juste récompense pour celui qui s'est décidé à changer sa manière de travailler.
Il y a des destins qui peuvent donner des idées. Celui de Ryoyu Kobayashi est de fait inspirant. Rarement dans les quinze premiers sur les épreuves de Coupe du monde jusqu'à l’an dernier, le Japonais est cette saison le meilleur sauteur du monde.
Le simple fait de chausser ses lattes est quasi gage de victoire,comme sur la Tournée des Quatre Tremplins où il a réalisé le Grand Chelem. "C’est la magie du saut à skis: tout peut aller très vite", observe Killian Peier. "Des fois, cela prend simplement un peu plus de temps."
Trois top 10
Le Sarrazin de 23 ans n'a pas à être jaloux. Car, de son côté, les choses ne se passent pas trop mal cet hiver. Et surtout depuis quelques semaines, avec trois top 10 consécutifs (7e à Innsbruck, 8e à Bischofshofen, 9e à Val di Fiemme).
Désormais 15e au général de la Coupe du monde, Peier semble avoir trouvé sa place. Après des premiers concours en demi-teinte, le déclic tant attendu est venu. "Je ne sais pas vraiment pourquoi cela est arrivé sur la Tournée, cela faisait quelque temps que j'étais à la recherche de mes sensations de l'été (ndlr: il avait terminé 6e des Grands Prix estivaux, avec deux podiums) et j'ai finalement trouvé le rythme à Innsbruck, confie le Vaudois. Cela m'a permis de prendre de la confiance et de gagner en légèreté en l'air."
Une technique observée
La clé? "Le relâchement", répond-il. Mais cela ne se décrète pas. En grattant, on s'aperçoit qu'il y a des explications un peu plus rationnelles: "J'ai remarqué que j'étais trop agressif, pas assez rond. Alors il fallait que je me calme et que je pousse plus verticalement à la table."
Observateur attentif, l'ex-sauteur Sylvain Freiholz confirme: "On voit désormais que Killian est plus en forme de banane à la sortie de tremplin, alors qu'avant il était comme une planche. Aujourd'hui, les autres entraîneurs l'observent."
Ce n’est pas tout: il faut aussi s'attarder sur la préparation estivale de Killian Peier, lequel devait se relever de la déception de sa non-sélection pour les Jeux olympiques de Pyeongchang. "Cette année, j'ai beaucoup plus approfondi mon analyse de saison. J'ai voulu comprendre pourquoi ça ne prenait pas et je me suis résolu à travailler seulement sur deux ou trois points clés, justement sur le déclenchement du saut. Il fallait que je sorte de ma zone de confort, en travaillant aussi avec un coach personnel."
"Il s'est remis en question, précise Sylvain Freizholz. Il devait changer sa manière d'aborder les choses, tant au niveau psychologique que technique." Au cœur de cette évolution, il y a donc la collaboration avec Ottmar Puhlzer depuis la fin de l’été 2017. Celui-ci ne s’intéresse pas au sportif, laissant ça à Ronny Hornschuh, l’entraîneur national.
"Nous avons notamment travaillé sur mon style de vie, confie le sauteur. Il fallait que j'apprenne à me comporter comme un sportif professionnel. Notamment sur l'importance à accorder à la récupération ou la gestion des différentes phases d'entraînement. Et il y a aussi un versant mental, sur la manière d'appréhender les moments compliqués pendant les entraînements ou les concours."
Ambitieux, mais pas impatient
S'il a mis peut-être un peu de temps à venir, le résultat est probant. "En haut du tremplin, je me sens plus en confiance, plus libre. Je peux me concentrer seulement sur ma technique, notamment lors des deuxièmes manches." Ce qui faisait pourtant encore défaut au membre du Ski-club de la Vallée de Joux en début de saison, lorsqu'il avait obtenu trois classements dans le top 10 après le premier saut, avant de rétrograder ensuite.
Il ne fait dorénavant plus de doute que Peier est le meilleur sauteur suisse, dans une équipe qui compte pourtant encore Simon Ammann dans ses rangs. "Entre nous, la concurrence est amicale, mais chacun se concentre sur soi. Avec ses problèmes de matériel en début de saison, Simon n'a pas eu le temps de prendre un rôle d'accompagnateur. Et, au fond, mon but est de poursuivre mon propre chemin. Je veux gagner un jour un concours." D’après Freiholz, "être dans les 15 meilleurs, cela signifie qu'on peut jouer les podiums."
S'il est ambitieux, le sauteur de La Sarraz ne se montre pas impatient pour autant. "Je ne me suis pas fixé d'objectif de résultat pour la fin de saison. Mon idée est surtout de stabiliser ma technique pour gagner encore plus en confiance. Le top 20 me semble réaliste pour chaque concours. On verra bien ensuite pour la saison prochaine."
Quoiqu'il advienne, Killian Peier veut se donner les moyens de poursuivre une progression linéaire. Et tant pis si tout n’arrive pas aussi vite que pour Kobayashi.