Président de Swiss-Ski, Urs Lehmann a tiré un bilan très positif des Championnats du monde de Cortina. L'Argovien s'est évidemment montré satisfait des neuf médailles conquises dans les Dolomites et prédit un avenir doré pour ses protégés.
Urs Lehmann, il y a plus de 30 ans que la Suisse n'avait pas remporté autant de médailles aux Championnats du monde. Le bilan est forcément excellent, non ?
"C'est le bon adjectif. Je suis très fier de tous les athlètes, entraîneurs, techniciens et de toutes les personnes du staff. C'est un moment exceptionnel. J'ai beaucoup de plaisir de pouvoir faire partie de cette équipe."
Y a-t-il quand même des déceptions dans le camp suisse ?
"Non, je vois plutôt du potentiel dans le sens où on aurait même pu faire encore mieux. On doit toutefois garder les pieds sur terre et rester réalistes. Voilà 30 ans que nous n'avions pas gagné autant de médailles. Et 30 ans dans le sport, c'est énorme."
Avant le début des Championnats du monde, vous disiez que la Suisse pouvait jouer le podium dans toutes les disciplines. Force est de constater que ça a été le cas...
"Exactement, c'est ça qui fait plaisir ! Chaque jour, chaque course, chaque départ, on pouvait espérer un podium et même une victoire. Vous rappelez-vous de la dernière fois qu'on s'est retrouvé dans une telle position ? Je ne crois pas. C'est pourquoi c'est quelque chose d'exceptionnel. C'est précisément ça qui fait plaisir. Ce n'est pas une ou deux disciplines, une ou deux personnes qui nous permettent de gagner, mais bien un ensemble avec lequel on peut briller. La Suisse peut être très fière de cette équipe."
Un changement de mentalité a été aperçu au sein des athlètes, certains se montrant très déçus même avec une médaille de bronze autour du cou…
"L'état d’esprit est très bon. On a de très bonnes valeurs. On est là pour gagner. On respecte le concurrent, le vainqueur, mais on veut toujours le battre aussi. C'est aussi une force de nos athlètes."
Il y a donc une culture de la gagne chez Swiss-Ski ?
"Oui, tout à fait. On le voit suite aux médailles décrochées ici, mais aussi les résultats obtenus en Coupe du monde. Jusqu'à présent, nos athlètes ont décroché 38 podiums en 49 courses. On est la nation numéro une, avec 800 points d'avance sur les Autrichiens. On finira donc l'hiver à la première ou à la deuxième position. Il n'y a pas beaucoup de sports où la Suisse termine à ces places. Malgré cela, les athlètes restent toujours très humbles. Si on parvient à garder des athlètes en bonne santé, je peux vous assurer qu'on va avoir encore du succès ces prochaines années."
Le groupe suisse peut compter sur de nombreux athlètes de talent, avec des skieurs expérimentés et des jeunes coureurs qui se tirent la bourre. Est-ce le bon résumé de la situation ?
"C'est exactement ça. Il y a les anciens qui font encore leurs performances à très haut niveau et il y a les jeunes qui poussent derrière. D'autres athlètes, qui étaient alors en retrait, sont désormais montés de ligue. Nom de bleu, il y a beaucoup de coureurs, presque trop pour les équipes en Coupe du monde. C'est quelque chose qu'on a rarement eu. C'est un problème de riche."
Du coup, quelles sont les attentes pour ces prochaines années ?
"Avec les athlètes et le staff qu'on a, avec la manière dont on est structuré, on est déjà tellement bien positionné que je suis convaincu que d'ici les 6-8 prochaines années on aura une équipe alpine très forte. A mon avis, cette dernière pourrait bien remporter le classement des nations toutes les années et être capable de jouer la gagne lors de chaque course. Les Suisses pourront aller devant la télévision en sachant que leurs compatriotes peuvent gagner à chaque fois. La perception de Swiss-Ski change, mais aussi celle de certaines régions et des ski-clubs. On n'a d'ailleurs jamais eu autant de licenciés que ces dernières années. Ces résultats sont motivants pour les jeunes."
Avant ces Championnats du monde, le record de 14 médailles établi à Crans-Montana en 1987 avait été évoqué. Dans un coin de votre tête, avez-vous espéré que cette marque puisse être égalée ou battue ?
"Il faut rester réaliste. Crans-Montana était un moment exceptionnel dans l'histoire du sport suisse qu'on ne revivra plus jamais. Il ne faut de toute manière pas comparer. Aujourd'hui, il y a désormais beaucoup plus de nations. Aux qualifications du slalom, il y avait ainsi plus de quarante nationalités représentées, sans compter la Suisse, l'Autriche, l'Italie ou la France. Rester au top parmi cette cinquantaine de nations est donc déjà un challenge."
Plus globalement, estimez-vous que ces Championnats du monde ont été réussis, notamment avec la gestion de la crise sanitaire ?
"Complètement. J'adresse d'ailleurs mes félicitations et mes remerciements aux organisateurs car il était primordial d'organiser ces Mondiaux. Il en allait de la survie de notre sport. Certains l'ont bien compris et je pense notamment aux Romands, aux Valaisans. On est certes privilégiés de pouvoir proposer des événements de sport, mais ces derniers sont aussi des sources de motivation pour les gens qui doivent rester à la maison. Malgré la situation très difficile dans le monde en raison du coronavirus, on est des privilégiés dans le sport. C'est pourquoi on est heureux de pouvoir redonner quelque chose à la société."
D'un point de vue sportif, certaines courses à l'image du combiné et du parallèle ont fait parler d'elles. Quelle est votre position concernant ces deux disciplines ?
"Il ne faut pas faire de conclusions hâtives. Il y a eu des erreurs dans le règlement. Prenons le parallèle : j’étais très déçu car Loïc (ndlr : Meillard) était de loin le meilleur. Il a gagné les qualifications et s'est retrouvé sur le parcours rouge où tout le monde - même ma grand-mère - a vu qu'il n'y avait aucune chance pour le skieur. Malgré cette injustice, il a réussi à décrocher le bronze et c'est exceptionnel. Pour moi, il méritait toutefois l'or. Il méritait même trois médailles d'or ce jour-là ! On aurait donc pu, dû changer le règlement en augmentant la limite de 0,5 secondes à 1,5. La course aurait été complètement différente. Idem pour le combiné. On en a beaucoup parlé ces dernières années et on a dit qu'il fallait 'aider' les descendeurs. Un Super-G puis un slalom plus facile ont ainsi été adoptés pour les descendeurs. Le but était que ces derniers, qui savent moins bien skier en slalom, donnent une bonne impression. Le problème est que si on va injecter la piste au point que cette dernière ressemble à une patinoire, alors même les slalomeurs donnent une mauvaise impression. Ils sont d'ailleurs plusieurs à être tombés lundi. On peut donc changer et améliorer ces circonstances. Ce serait trop tôt de faire le bilan sur ces deux disciplines maintenant."
En qualité de candidat à la présidence de la FIS, quelle décision prendriez-vous concernant ces deux disciplines ?
"Le président ne fait pas tout, que ce soit chez Swiss-Ski ou à la FIS, Il y a toute une équipe qui décide. Une chose est claire : si on veut les garder, il faut encore les développer car ce n'était pas assez bon ici. Si je dois choisir, je garderais les deux et je ferais des changements de règlement. Je dirais par exemple qu'il ne faut pas travailler avec de l'eau sur le slalom du combiné. Après deux ans, il faudrait ensuite faire un bilan et regarder les retours et les intérêts des télévisions et des sponsors."