«Aberration» écologique, risque de «dérapages financiers énormes» : la candidature des Alpes françaises aux Jeux olympiques d'hiver 2030 suscite l'opposition et les critiques d'une nébuleuse hétéroclite de militants écologistes et d'élus locaux et régionaux.
Une des premières salves publiques a été tirée en octobre dernier par un collectif réunissant une trentaine d'organisations - dont Alternatiba, Dernière Rénovation ou les Soulèvements de la Terre - et des personnalités, à travers une tribune publiée dans le quotidien Le Monde.
Le texte «questionne la légitimité du projet dans un contexte de réchauffement climatique», en demandant un «débat public sérieux» et surtout un référendum autour de cette candidature surprise, dévoilée en juillet 2023 par les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes.
Parmi les signataires, l'ancien skieur de fond de haut niveau Stéphane Passeron, qui porte également le collectif «No JO», à l'origine d'une pétition qui a recueilli à ce jour 3'800 signatures.
Né début 2023 dans les Hautes-Alpes à l'initiative de «simples habitants et associations des Alpes», à l'époque où la région Provence-Alpes-Côte d’Azur réfléchissait à une candidature des Alpes du Sud pour les Jeux olympiques de 2034 ou 2038, ce collectif a essaimé et rallié d'autres associations dans les départements concernés.
«Je ne comprends pas comment on peut être prêt à engager des milliards d’euros après cinq mois à bricoler un dossier», souligne M. Passeron. Côté environnement, «c’est une aberration, on ne peut plus transporter des milliers de spectateurs par avion», dénonce le militant écologiste.
«Envisager des JO en 2030, c’est tout miser sur les ressources les plus fragiles, et celles qui vont le plus faire défaut : l'eau, l’énergie et le froid», met en garde le collectif, invitant la population à «faire le deuil des Jeux d’hiver».
Pour Fabien Gascard, maire LFI (gauche radicale) d'un village situé près de Gap et militant de No JO, «les citoyens acceptent de moins en moins les Jeux olympiques. C'est 15 jours de fête pour 15 ans de dette».
«Nos jeunes ont de plus en plus de difficultés à se loger sur place. Il s'agit d'un plaisir pour la bourgeoisie alors qu'une grande partie de la population mondiale ne peut pas se payer un séjour au ski», fait-il valoir.
«Ski sur bitume»
Le collectif, après avoir déjà organisé en septembre une manifestation de «ski sur bitume» à Embrun (Hautes-Alpes) prévoit une nouvelle action le 6 janvier. Les No JO comptent aussi des relais politiques dans la région.
«Pour nous, c’est vraiment une candidature de représentation, même s’ils ont l’air tous persuadés qu’ils vont gagner (...) C’est beaucoup de bruit, beaucoup de vent et d’argent, pour rien», dénonce Juliette Chesnel-Le Roux, cheffe de file de l’opposition écologiste à Nice, pressentie pour accueillir les compétitions de sports de glace.
Premier groupe d'opposition du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes à Lyon, le groupe vert se dit également «opposé à la candidature en l'état parce qu’il n’y a pas de garanties ni de cahier des charges», comme l'explique Claudine Ternoy-Léger, élue régionale. «Les risques de dérapages financiers sont énormes» compte tenu du délai de 6 ans, estime l'élue, référente montagne et JO.
Au sein du groupe régional écologiste, on pointe aussi «l’ambition personnelle» du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez : «Il offre du pain et des jeux. Il n’y a pas de projet, ça reste en l’état dans l’entre-soi et c’est tellement infaisable que ce n’est pas sérieux».
D'autres ONG, élus ou athlètes ont signé de leur côté à la mi-novembre un long document détaillant une quinzaine de conditions à respecter pour que les JO soient «compatibles avec le respect des limites planétaires et bénéfiques pour les populations et les territoires». Par exemple, «rendre accessible au moins 80% des sites en train ou autres transports en commun» ou «garantir la préservation de 100% des sites naturels».
Dans le cas contraire, préviennent-ils, ils ne «pourron(t) soutenir ce projet».