Epoque «horrible» et «quasi-maltraitance» pour les unes, «approches exigeantes, orientées vers la progression» pour les autres : les méthodes d'entraînement imposées aux skieuses de l'équipe de France entre 2014 et 2018 interpellent depuis la publication d'une enquête de «Le Monde».

Plusieurs anciennes espoirs du ski français, dont Estelle Alphand – la fille de Luc Alphand qui court désormais pour la Suède – ont témoigné dans le quotidien paru vendredi du harcèlement moral dont elles disent avoir été victimes, quand Anthony Séchaud était directeur des équipes femmes.
Entre non-sélections, selon elles injustifiées, sentiment d'ostracisation, entraînements «de l'enfer» et propos agressifs, les sportives, toutes nées entre 1992 et 1995, qui témoignent dans cette enquête dénoncent un fonctionnement fédéral problématique, avec des «protégées» d'un côté et d'autres mises au ban.
En réponse, d'autres anciennes skieuses de l'équipe de France, dont la double championne du monde de géant Tessa Worley, ont affirmé leur «soutien» à Anthony Séchaud en soulignant dans un communiqué transmis à l'AFP leur «pleine confiance» en son «intégrité» et son «éthique professionnelle».
«Suite aux récentes accusations publiques contre Anthony Séchaud concernant ses méthodes d'entraînement, nous réaffirmons notre soutien à sa personne et à son engagement professionnel», ont ainsi réagi Worley et huit autres anciennes skieuses professionnelles (Anne-Sophie Barthet, Adeline Baud, Taïna Barioz, Olivia Bertrand, Claire Dautherives, Anémone Marmottan, Marie Marchand-Arvier, Marion Pellissier).
«Approches exigeantes»
Selon ces athlètes plus âgées, nées entre 1982 et 1989 et qui étaient pour la plupart en fin de carrière, voire déjà à la retraite, entre 2014 et 2018, Anthony Séchaud se caractérisait certes par «des approches exigeantes, mais toujours orientées vers la progression et la performance». «L'exigence et le travail permettent surtout de vivre de grandes émotions et des moments exceptionnels», ajoutent-elles.
Les mots qu'elles utilisent sont peu ou prou les mêmes que ceux de Fabien Saguez, l'actuel président de la Fédération française de ski, ancien DTN qui a lui-même nommé Anthony Séchaud à son poste en 2014. Le projet était «exigeant mais pas injuste» et mis en place «pour tirer le meilleur des athlètes», a-t-il affirmé à l'AFP vendredi.
«Il n'y avait absolument aucune volonté de nuire», a-t-il insisté, soulignant que la fédération «condamnait», s'ils ont bien eu lieu, les «propos pas du tout adaptés» relatés dans «Le Monde».
Trou générationnel
Dans cette enquête, Estelle Alphand évoque une époque «horrible» qui l'a finalement poussée à changer de nationalité sportive pour skier pour le pays de sa mère. Marie Massios, qui a pris sa retraite en 2018 après avoir eu l'impression «de devenir folle», raconte qu'elle «arrivait à chaque entraînement avec la boule au ventre» tandis qu'un parent parle de «quasi-maltraitance» et qu'un ancien cadre de la FFS se souvient d'une mentalité «marche ou crève».
«On n'a jamais voulu blesser des gens, mais on voit bien là qu'il y a un vécu de la part de certaines athlètes, avec des choses qui ont été mal ressenties. Donc forcément on a dû faire des erreurs», reconnait Fabien Saguez. Et d'expliquer que «depuis 2018, on a décidé de repartir sur un système moins exigeant avec des sélections plus simples et plus ouvertes».
«Mais ça n'a pas super bien marché non plus», souligne-t-il, alors que cadres de la FFS, athlètes et observateurs ne peuvent que constater le trou générationnel qui s'est creusé chez les femmes depuis la retraite de Tessa Worley en 2023, avec l'absence quasi totale d'athlètes de la génération 1995-1999 en équipe de France et une relève qui peine encore à émerger.
A moins de neuf mois des Jeux olympiques de Milan-Cortina, les skieuses tricolores ont essuyé un hiver 2025 catastrophique, avec un seul podium en Coupe du monde (3e place de Romane Miradoli lors du super-G de La Thuile) et un seul top-10 (10e place de Marion Chevrier en slalom) lors des Mondiaux de Saalbach.