Lara Gut-Behrami «Si tu fais la star et qu'après tu te blesses, c'est peut-être la faute à Instagram»

jfd, ats

15.2.2024 - 13:03

Avec trois courses de vitesse à Crans-Montana, Lara Gut-Behrami peut prendre une avance décisive en vue du gros globe de cristal. Mais la Tessinoise ne pense pas si loin.

Lara Gut-Behrami est en Valais pour conforter sa place en tête du classement général de la Coupe du monde.
Lara Gut-Behrami est en Valais pour conforter sa place en tête du classement général de la Coupe du monde.
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Keystone-SDA, jfd, ats

«Je l'ai répété cent fois cette saison, mais je me focalise sur mon ski.» On l'a bien compris, Lara Gut-Behrami laisse les comptes d'apothicaire aux journalistes et aux supporters. Elle sait bien entendu qu'elle est en tête du général de la Coupe du monde (réd: avec 5 points d'avance sur Mikaela Shiffrin, absente) et que tous les voyants sont au vert, mais la skieuse de 32 ans a beaucoup trop d'expérience pour se laisser perturber par tout ce qui se passe hors de la piste.

«C'est le meilleur moyen de rester en santé, explique-t-elle encore devant la presse. Je dois essayer de produire mon meilleur ski. Si je taille bien mes virages, je sais que j'ai mes chances. Si je gère bien les choses, si je ne pars pas à la faute, cela ira, mais mille choses peuvent se passer.»

Se concentrer sur l'essentiel

La Tessinoise le dit, elle connaît son corps à la perfection et c'est ce qui lui permet de mieux gérer. «Il est primordial de se concentrer sur l'essentiel et de ne pas perdre de temps à l'extérieur», appuie-t-elle. LGB met le doigt sur un point important et qui touche à la fatigue des skieuses. Dure au mal, la Tessinoise n'est pas du genre à se plaindre, mais elle reconnaît volontiers que trois courses en trois jours (2 descentes et un Super-G), c'est un programme qui teste la résistance des athlètes.

«En plus des courses, il y a le programme du soir, ce n'est pas évident de trouver l'équilibre, analyse la skieuse de Comano. On va en parler pour la saison prochaine. Soit tu fais ta course, tu réponds en deux mots aux médias, tu dis aux gens que tu n'as pas le temps parce que tu veux récupérer et juste avoir le temps de dormir une heure, et tu as tout le monde qui râle. Ou alors tu prends ton temps, tu savoures d'être avec des enfants parce que tu comprends que c'est important pour eux. Le jour d'après tu es super fatiguée et tu fais une course horrible. Quelle est la solution? C'est compliqué parce qu'il y a mille facteurs. Est-ce que le show est plus important que le sport?»

Fermer ses réseaux sociaux

La skieuse aux 43 victoires en Coupe du monde sait pertinemment que l'image des athlètes est importante. Mais elle a fait le pas de quitter les réseaux sociaux en 2018 en fermant ses comptes Twitter et Instagram. Un choix fort lorsque l'on voit l'impact du réseau friand d'images qui appartient à Meta et que l'on se souvient qu'elle comptait plus de 300'000 abonnés.

«Des athlètes gagnent davantage d'argent avec les réseaux sociaux que sur la piste, note-t-elle. A Cortina, j'ai distribué 500 cartes par jour, j'ai passé une heure au froid. Et le dimanche tu es fatiguée, mais est-ce que c'est une excuse? Je n'ai pas de bonne réponse. On a vu plusieurs blessures cet hiver. C'est sûrement la fatigue et ce qu'il y a autour, ce que beaucoup d'athlètes ont de la peine à gérer. On dit qu'il faut faire avec. Mais il faut être conscient que si tu veux faire la star sur Instagram et partager ta vie et qu'après tu te blesses, c'est peut-être la faute à Instagram. Il y a pas mal de facteurs que les athlètes sous-estiment. Ce n'est pas seulement la faute au calendrier chargé, même si on peut optimiser.»

Les athlètes sont-ils heureux?

La Tessinoise peut en parler, puisqu'elle court depuis plus de quinze ans au sein du Cirque blanc: «Je me souviens qu'en 2016, je faisais une heure d'interviews à chaque étape. Je ne sais pas comment je faisais parce que je n'ai plus l'énergie aujourd'hui. Je touche du bois, mais je me dis que c'est sûrement l'un des motifs qui fait que je skie encore. Il y a deux ans j'ai sauté dix courses parce que j'étais malade et j'ai dit «Plus jamais». Mon objectif c'est de faire toutes les courses parce que c'est là que je gagne ma vie.»

Celle qui pourrait ajouter un deuxième gros globe de cristal après celui de 2016 se pose des questions plus générales sur la vie des athlètes. «Je me demande combien d'athlètes sont heureux de leur vie, je me demande combien d'athlètes sont conscients de ce qu'ils sont en train de faire, conclut-elle. Parce qu'on fait souvent les choses par mimétisme. Il y a des années je faisais comme les meilleures en me disant que c'était le chemin à prendre. Puis je me suis dit stop en voyant que cela me mettait mal à l'aise.»

Lara Gut-Behrami, c'est qui ?

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15.02.2024