La joueuse de tennis ukrainienne Elina Svitolina, native d'Odessa, est «très angoissée» pour une partie de sa famille restée là-bas, encore plus ces derniers jours. Fatiguée physiquement et mentalement, elle avait décidé de faire une pause fin mars, et ne prendra pas part à Roland-Garros (22 mai-5 juin), a-t-elle aussi expliqué dans un entretien à l'AFP en marge de la Global Sports Week à Paris.
Comment vous sentez-vous depuis l'annonce de votre pause fin mars ?
«J'essaie de rester en forme. Je prends mon temps, je fais beaucoup pour ma fondation (fondation pour les enfants et le tennis), je voyage beaucoup pour des levées de fonds. Actuellement, je me concentre sur ma famille et ma fondation. Mais c'est un moment très dur en ce moment pour ma ville natale Odessa. Ces jours derniers, c'est très difficile de voir les nouvelles avec tous les bombardements et missiles. La moitié de ma famille est en Ukraine, mes parents ont eu la chance de pouvoir partir mais l'autre est là-bas, et ils se cachent au sous sol depuis deux jours. J'essaie de garder le contact avec eux pour voir comment ils vont.»
Comment vivez-vous cela ?
«Mentalement c'est exténuant de voir toutes ces choses terribles qui arrivent aux gens, et de ne pas savoir ce qui va se passer demain ou dans une heure, c'est très angoissant. Pour les Ukrainiens qui vivent à l'extérieur, vous ne comprenez pas, vous ne savez pas vraiment ce qui se passe et vous essayez d'imaginer, et ce n'est pas bon non plus. C'est une inquiétude permanente.»
Avez-vous des contacts avec vos compatriotes joueurs de tennis qui ont pris les armes ?
«Oui j'ai parlé avec (Sergiy) Stakhovsky et (Alexandr) Dolgopolov qui sont en Ukraine, armes à la main, et aussi des athlètes venant d'autres sports. Cela demande beaucoup de courage de faire cela. Je suis très fière de les connaitre et de rester en lien avec eux pour savoir comment ils vont et quelle est la situation.»
Est-ce que cela vous traversé l'esprit d'aller de vous battre pour votre pays ?
«Oui bien sûr cela m'a traversé l'esprit. Mais en ce moment ce qui est important c'est ma fondation et aider les enfants pour qu'ils gardent leurs rêves de jouer et de pratiquer le tennis. Pour l'instant, c'est ma mission et j'essaie de faire de mon mieux pour cela.»
Avez-vous toujours la même position concernant les joueurs russes, bannis de Wimbledon, et avez-vous des contacts avec eux ?
«J'ai parlé avec les organisateurs de Wimbledon. Pour moi, ils ont pris la bonne décision. Ce n'est pas facile de leur parler (aux joueurs russes). On se voit toutes les semaines dans les tournois et ils ne prennent pas position. C'est très triste»
Votre décision de faire une pause est-elle uniquement liée à la guerre en Ukraine ?
«Il y a beaucoup de choses. Depuis deux mois, les choses n'ont pas vraiment été faciles pour moi, et j'essaie de trouver la paix en moi, cela a été dur. Mais je passe maintenant plus de temps avec ma famille, avec mes parents, avec mon frère. J'espère pouvoir retourner un jour en Ukraine. Ma famille a toujours été une priorité pour moi. Pour moi, la pandémie et la guerre, cela a fait un grand changement dans mon état d'esprit.»
Vous ne jouerez pas à Roland-Garros à la fin du mois ?
«Malheureusement pas cette année. Je vais le manquer.»
Le tennis est-il un sport particulièrement éprouvant pour la santé mentale ?
«C'est un sport extrêmement difficile. C'est l'un de ceux où la saison est la plus longue. On doit être en forme de janvier jusqu'à novembre. Cela prend beaucoup d'énergie, de force. Vous avez des hauts et bas et votre mental est sollicité tout le temps, cela joue dessus. Le tennis, c'est vraiment très dur. Beaucoup de joueurs ont des moments difficiles, et reviennent aussi plus forts»
Le fait d'en parler publiquement est-il est bénéfique ?
«Chacun a son propre chemin. Certains préfèrent en parler publiquement, d'autres préfèrent partager plutôt avec leur famille, en parlent à leurs entraîneurs, certains à leur psychologue. Moi, je préfère le garder pour moi. Je parle avec mon équipe, avec ma psychologue. C'est comme cela que cela fonctionne pour moi. Je travaille avec une psychologue depuis plusieurs années et elle m'aide beaucoup. En résumé, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire. Mais parler de la santé mentale permet que les gens ne se sentent pas seuls et puissent parler des moments difficiles.»