Un hat-trick parfait après ses victoires en 2017 et 2018, un septième succès pour devenir le seul recordman de victoires à Melbourne devant Novak Djokovic et Roy Emerson, une 21e couronne en Grand Chelem et, enfin, le centième titre de sa carrière: les enjeux auxquels fait face Roger Federer cette année à Melbourne sont extraordinaires.
Le Bâlois entamera cette quête qui a quelque chose de divin dès lundi face à Denis Istomin. Même s'il risque de jouer sous la canicule qui est annoncée sur Melbourne si cette rencontre n'est pas programmée en nocturne et même si Denis Istomin se souviendra qu'il a éliminé Novak Djokovic dans ce même tournoi il y a deux ans, on voit mal comment Roger Federer pourrait se prendre les pieds dans le tapis. Sa dernière défaite au premier tour d'un tournoi du Grand Chelem remonte à Roland-Garros 2003 où il s'était incliné devant le Péruvien Luis Horna. Depuis lors, il a gagné les 57 qu'il a disputés...
Non, le danger pour Roger Federer n'est pas pour ce lundi mais plutôt pour le week-end prochain avec un huitième de finale qui peut l'opposer à Stefanos Tsitsipas ou à Nikoloz Basilashvili. Avec le Grec, il se heurtera à l'un des plus beaux fleurons de la Next Gen que l'ATP cherche à promouvoir depuis des mois. Avec le Géorgien, il se frottera à un joueur métamorphosé depuis qu'il collabore avec l'entraîneur allemand Jan de Witt, capable désormais de remporter deux tournois ATP 500 la même année et de pousser Novak Djokovic dans ses derniers retranchements.
Quelque chose d'anormal
"Je m'étonne un peu d'être toujours à un tel niveau." Cet aveu lâché par Roger Federer jeudi soir lors du tirage au sort n'est pas pure forfanterie. N'y-a-t-il pas, en effet, quelque chose d'anormal de considérer un joueur de 37 ans et demi comme l'un des deux principaux candidats au titre à Melbourne? A l'heure où Andy Murray annonce sa retraite et où Rafael Nadal enchaîne les blessures, le Bâlois demeure le seul capable de regarder les yeux dans les yeux Novak Djokovic. Le seul à empêcher le Serbe de gagner un troisième titre majeur de rang. Le seul capable, sur le court, de le bousculer grâce à ce jeu d'attaque, cette fluidité et cette inspiration qui ne cesseront de ravir tous les puristes.
A Melbourne, Roger Federer trouve un cadre idéal pour s'exprimer. Le revêtement "plexipave" convient parfaitement à son slice. Et il y a bien sûr cette programmation très souvent bâtie pour favoriser ses desseins. On le sait, Craig Tiley, le patron de l'Open d'Australie, a noué au fil des années des relations très étroites avec le clan Federer. Il participe, ainsi, au développement de la Laver Cup, l'exhibition inventée par le Bâlois et par son agent Tony Godsick et dont la troisième édition aura lieu en septembre prochain à Genève. Mais Craig Tiley assure aussi que les diktats des diffuseurs lui commandent de programmer les matches de l'homme aux vingt titres du Grand Chelem le plus souvent en "night session". Mais il n'empêche que Craig Tiley rêve que le Bâlois cueille son centième titre au soir du 27 janvier à Melbourne. Pour que la 107e édition de son tournoi entre dans l'histoire.
Roger Federer a suivi la recette gagnante de 2017 et de 2018 dans sa préparation pour arriver à Melbourne en pleine possession de ses moyens. Après une préparation à Dubaï, il s'est envolé au lendemain de Noël pour Perth. Après avoir fait le choix de s'aligner au tournoi ATP 250 de Brisbane, le Bâlois a opté pour la Hopman Cup, cette exhibition où il est reçu comme un roi et où il rémunéré à la hauteur de son rang. Elle lui offre l'assurance de disputer au moins trois simples pour monter gentiment en puissance. Ainsi après deux rencontres aisées face à Cameron Norrie et à Frances Tiafoe, il a pu se tester sérieusement devant Stefanos Tsitsipas et Alexander Zverev. Le test a été concluant avec deux succès en deux manches.
La prophétie de Toni Nadal
Il reste à savoir si Roger Federer est toujours capable d'encaisser la répétition des matches. Depuis deux ans à Melbourne, les concours de circonstances lui ont été plutôt favorables. En 2017, son parcours titanesque avait été grandement "facilité" par la présence inattendue en quart de finale de Mischa Zverev qu'il avait battu 6-1 7-5 6-2 en 1h32 entre ses deux victoires en cinq sets contre Kei Nishikori et Stan Wawrinka. En 2018, sa demi-finale contre Hyeon Chung s'était conclue en seulement 62 minutes après l'abandon du Coréen. "Je ne pense pas que Roger Federer gagne un nouveau titre du Grand Chelem, prophétise ainsi Toni Nadal, l'oncle et l'ancien mentor de celui qui demeure son meilleur ennemi. Gagner sept matches au meilleur des cinq sets exige une trop grosse débauche d'énergie pour un joueur de plus de 37 ans." Au courant de tout ce qui s'écrit et de tout ce qui se dit, Roger Federer s'apprête, avec un malin plaisir, à s'inscrire en faux contre ce pronostic sans appel.