La menace russe est double à New York. Dans l’ombre de l’imprévisible Daniil Medvedev, un autre Moscovite entend rafler la mise à l’US Open. 14e joueur mondial, Andrey Rublev est sans doute l'outsider le plus dangereux dans le bas de tableau où l’on se presse pourtant au portillon.
Premier joueur depuis 2004 à enlever deux tournois disputés lors des deux premières semaines de l'année – il s’est imposé à Doha et à Adelaïde -, Andrey Rublev a entamé sa campagne 2020 à New York sur un succès sans histoire 6-4 6-4 6-3 devant Jérémy Chardy (ATP 60). Une fois de plus, la puissance de son coup droit a fait merveille. Pas beaucoup d’autres joueurs frappent la balle avec une telle violence. Le Russe affrontera jeudi un autre Français, Grégoire Barrère (ATP 93), avant, espère-t-il, un nouveau huitième de finale Matteo Berrettini (no 6) qu’il placera sous le signe de la revanche. L’Italien l’avait battu sèchement 6-1 6-4 7-6 l'an dernier sur la route de sa demi-finale contre Rafael Nadal.
Comme un mort de faim
Révélé sur le Circuit en 2015 pour devenir le quatrième joueur de l’histoire à avoir remporté le plus de matches avant ses 18 ans derrière Rafael Nadal, Lleyton Hewitt et Richard Gasquet, Andrey Rublev entend rattraper le temps perdu. Le Russe a, en effet, déjà payé un lourd tribut aux blessures, l’une au dos et l’autre au poignet, pour aborder cet US Open comme un mort de faim. «Si je lui accorde un week-end de libre, il commence très vite à stresser, s’amuse son coach Fernando Vicente. Il déteste tout simplement perdre son temps.»
29e joueur mondial en 2000 et resté célèbre pour avoir enlevé à Lyon en octobre 2003 un match contre Yevgeny Kafelnikov dans lequel des sommes mirobolantes avaient été placées sur sa victoire, Fernando Vicente n’ignore en rien toute la difficulté de conduire la carrière d’un joueur russe. L’âme slave peut être si étrange, encore plus dans le tennis comme a pu le démontrer Marat Safin ou comme le démontre aujourd’hui Daniil Medvedev. «C’est vrai, Andrey devient fou lui aussi parfois, explique-t-il. Mais depuis ses deux blessures, il a compris qu’il devait travailler son comportement sur le court. C’est un battant et il le démontre. C’est bien. Mais il sait désormais qu’il ne doit plus perdre son énergie à se lamenter après chaque coup raté. A la limite, je préfère le voir casser une raquette pour évacuer d’un coup toute sa prestation plutôt que de se lamenter à chaque erreur qu’il peut commettre.»
«Je suis un privilégié»
Cette année en Australie, il était arrivé un petit peu à bout de souffle lors de son huitième de finale contre Alexander Zverev après avoir aligné onze victoires de rang, dont la dernière acquise en quatre sets et trois heures de jeu devant David Goffin. A New York, le Russe affirme que tous les voyants sont au vert. «Je suis un privilégié. J’ai pu m’entraîner comme je le souhaitais durant le confinement, souligne-t-il. Je mesure pleinement la chance de vivre cette vie de tennisman professionnel alors que tant de gens ont perdu leur job à cause de cette pandémie. J’ai eu le temps de travailler mon physique sans avoir un seul instant la peur du lendemain. Je peux vous assurer que je n’ai pas perdu mon temps. J’ai gagné en muscle, en rapidité aussi.» L’opposition est prévenue. L’homme qui a été capable de battre Roger Federer l’an dernier à Cincinnati tranquillement en 62 minutes de jeu est prêt à frapper un grand coup à New York.