Telle est la réponse de la plus belle plume de Melbourne à la question de savoir s'il convient encore de s'inquiéter des états d'âme de Nick Kyrgios.
Celui qui devait être le joueur en mesure d'offrir à l'Australie un nouveau titre du Grand Chelem, attendu depuis le succès de Lleyton Hewitt à Wimbledon en 2002, n'amuse plus grand monde à Melbourne. Ainsi, sa rencontre face à Bernard Tomic, l'autre ex-grand espoir australien, dans le cadre du tournoi exhibition de Kooyong fut du grand n'importe quoi au point que l'éditorialiste du journal "The Age" Greg Baum propose que le cachet dévolu aux deux joueurs soit "reversé au public comme dédommagement de sa présence."
Des temps de passage remarquables
Le désamour est donc profond entre l'Australie et celui qu'elle considérait comme l'"élu" après son succès en 2014 devant Rafael Nadal en huitième de finale à Wimbledon. Agé alors de 19 ans, Nick Kyrgios avait l'avenir devant lui avec un jeu littéralement extraordinaire et une personnalité hors norme qui lui ont permis de signer très vite des contrats mirobolants avec différents sponsors. Capable de battre Nadal, mais aussi Roger Federer et Novak Djokovic avant ses 22 ans, Nick Kyrgios présentait des temps de passage remarquables.
Mais aujourd'hui, après des derniers mois marqués à la fois par une succession de défaites pour le moins "improbables" et des querelles incessantes avec les instances, le joueur de Canberra a déjà le profil du "has been".
La faute à un manque d'implication envers son sport qu'il ne cherche pas à dissimuler - "je n'aime pas le tennis", avouait-il ainsi en 2016 -, et sa répugnance à quitter trop longtemps la douceur de son foyer. "Je dois être le joueur du top 100 qui joue le moins de tournois de l'année", concède-t-il.
Un tableau "injouable"
Ejecté du top 50 après sa défaite au deuxième du tournoi de Brisbane - dont il était le tenant du titre - face à Jérémy Chardy au cours d'une rencontre où il n'a pas témoigné d'un esprit de compétition irréprochable, Nick Kyrgios a hérité d'un tableau "injouable" à Melbourne: un premier tour mardi contre Milos Raonic et un deuxième, si tout va bien, contre Stan Wawrinka jeudi. "Tout le monde dit que ce tirage au sort est infernal. Mais cela ne me touche pas, dit-il. Je suis en bonne santé et heureux. Prêt à me battre. On verra bien ce qui peut se produire", lâche-t-il.
De l'avis de tous les observateurs, l'Australien n' a pas le coffre pour "survivre" à un tel tableau. Son manque de puissance dans les jambes représente un handicap rédhibitoire dans un tournoi où le vainqueur doit gagner sept matches au meilleur des cinq sets. A 23 ans, il a davantage le profil d'un joueur capable de réussir dans un grand jour un "coup".
Capable aussi de se transcender lors d'une... exhibition, comme lors de la Laver Cup à Prague en 2017 où il avait poussé Roger Federer dans ses derniers retranchements avant de terminer en pleurs après sa défaite qui scellait l'issue de la rencontre remportée par le Team Europe.
Mais pour le reste, l'Australie a compris que le présent et l'avenir ne s'écriront pas avec lui mais plutôt avec Alex de Minaur, le protégé de Lleyton Hewitt qui a cueilli samedi à Sydney à 19 ans le premier titre de sa carrière. Fils d'un père uruguayen et d'une mère espagnole, Alex de Minaur est loin d'avoir le talent de Nick Kyrgios. Mais comme son mentor, il se bat sur le court comme si sa vie en dépendait.