Techno Fabriquer ensemble avec trois fois rien: l'art des «makers»

AFP

29.7.2019 - 08:08

Fabriquer, réparer, transformer : les «makers», des bidouilleurs partageurs, repensent le bricolage à l'heure des nouvelles technologies et des logiciels libres, pour se réapproprier nos objets du quotidien.

«A partir du moment, où on réalise du + fait soi-même+, on peut se considérer comme +maker+», explique Clément Chabot, membre du projet français Low-tech Lab, qui promeut des systèmes pour réduire l'impact des activités humaines sur l'environnement en mettant au point des objets concevables par tous.

Ils créent ainsi des meubles à partir de débris de chantier, des enceintes hi-fi de jardins en parpaing, des éclairages sur mesure, diffusent des tutoriels pour réaliser des conserves lacto-fermentées ou un séchoir solaire, invitent à des ateliers de découpe laser ou de construction de jardinière.

Qu'ils soient plutôt bricoleurs du dimanche, artisans, inventeurs ou geeks, ce sont «avant tout des bidouilleurs qui cherchent à comprendre comment fonctionne un objet, pour ensuite le refaire ou en faire autre chose», explique à l'AFP Sylvain Radix de l'Electrolab, atelier collectif de 1.500 mètres carrés à Nanterre, en région parisienne.

Né au début du siècle aux Etats-Unis le mouvement s'est rapidement répandu à travers la planète. Regroupés dans des ateliers ouverts, appelés «fablab» ou «hackerspace», ils échangent, partagent, construisent.

«Parce que ça fait du bien, ça redonne du sens», note Christophe Raillon, directeur de Maker Faire France, à l'origine d'un rassemblement en novembre à La Cité des sciences à Paris.

- «une vraie philosophie» -

«Il y a une vraie philosophie: se construire soi-même en construisant», commente la sociologue Isabelle Berrebi-Hoffmann, coauteure du livre «Makers. Enquête sur les laboratoires du changement social» (Seuil).

Parpaings apparents, tables dépareillées, rayonnages industriels: à l'Electrolab de Nanterre, la récup est clairement plus fonctionnelle que design. Ici un grille-pain défectueux, là des morceaux de tissus ou des composants de cartes électroniques... Se mélangent aussi amateurs et professionnels.

«Dans un +hackerspace+, vous allez trouver des experts dans tous les domaines. Le fait de réunir une communauté crée une émulation, une intelligence collective essentielle pour faire évoluer un produit», explique Benoît Greslebin, créateur de Baddy, un lanceur de volants de badminton qu'il vend en kit.

De la machine à coudre à l'imprimante 3D en passant par le four de fonderie, tout se partage. «On a beaucoup d'outils à notre disposition. On peut emprunter plutôt qu'acheter, c'est pratique et aussi plus écologique», explique Pierre Montaufray, un ingénieur qui vient y tester un prototype.

«Les makers veulent s'emparer du pouvoir d'internet, s'emparer du pouvoir des machines numériques, du pouvoir des modèles en open source, pour le remettre au service de pratiques locales, à la taille et à la mesure de l'activité humaine individuelle», explique Isabelle Berrebi-Hoffmann.

Outils, machines ou procédés, la technologie se démocratise et de plus en plus de gens partagent leurs connaissances sur internet. «Aujourd'hui, on commence à avoir une masse critique de personnes qui savent manipuler cela, se l'approprier», se réjouit Benoît Greslebin qui espère que cela va «faire boule de neige et que le savoir sera disséminé au plus grand nombre».

Avec plusieurs objectifs : faire baisser les prix, créer du local, du réparable, de l'écologique. Sans angélisme sur ce dernier point : «pendant longtemps ce que l'on trouvait dans les +fablabs+, c'était des impressions 3D de tête de Yoda... Je ne pense pas que ce soit cela qui va sauver l'humanité!«, relativise Clément Chabot.

Mais pour Isabelle Berrebi-Hoffmann, «il y a quelque chose qui se joue dans ces lieux» où l'on expérimente «de nouvelles façons de travailler et de vivre».

Collaboration, rejet de la hiérarchie, abolition des frontières travail/loisir, travail/formation... «Est-ce que cela va prendre à l'avenir, on ne sait pas le dire. Par contre, on voit que c'est quelque chose qui se répand dans la société», note la sociologue.

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