«Actifs et dangereux» Face à la répression en ligne, les jihadistes s'adaptent

AFP

5.9.2018 - 12:41

Au printemps, une offensive policière internationale visait les organes de propagande en ligne du groupe État islamique (EI). Quatre mois plus tard, les cyberjihadistes se sont adaptés, restent actifs et dangereux, soulignent des experts
Au printemps, une offensive policière internationale visait les organes de propagande en ligne du groupe État islamique (EI). Quatre mois plus tard, les cyberjihadistes se sont adaptés, restent actifs et dangereux, soulignent des experts
Source: AFP/Archives

Au printemps, une offensive policière internationale visait les organes de propagande en ligne du groupe État islamique (EI). Quatre mois plus tard, les cyberjihadistes se sont adaptés, restent actifs et dangereux, soulignent des experts.

Ils privilégient désormais les sites non-traditionnels, les réseaux sociaux privatifs, les messageries cryptées ou l'internet clandestin (darknet, deepweb) pour diffuser les harangues de leurs chefs, les appels au jihad ou les modes d'emploi mortels.

Le 27 avril, Rob Wainwright, directeur d'Europol, se félicitait d'avoir "porté un grand coup aux capacités de l'EI à propager sa propagande en ligne et à radicaliser les jeunes en Europe".

Après deux ans d'enquête, des policiers sont intervenus simultanément dans huit pays (Belgique, Bulgarie, Canada, France, Pays-Bas, Roumanie, Grande-Bretagne et États-Unis), saisissant des serveurs et du matériel informatique.

"La capacité de l'EI à promouvoir son matériel terroriste est compromise", assurait Rob Wainwright.

Le 22 août, la facilité avec laquelle le chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, a diffusé sa dernière philippique, dans laquelle il affirmait que "l’État du califat se maintiendra si Dieu le veut (...), fera triompher la religion, combattra ses ennemis", a démontré le contraire.

En quelques minutes, selon un étude de l'ONG new-yorkaise Counter Extremism Project (CEP), le discours posté sur la messagerie chiffrée Telegram était relayé sur au moins 21 sites web, devenant impossible à éradiquer.

Fragmentation de la propagande

"Pour l'EI, le recours à des réseaux sociaux non-traditionnels est une évolution face aux campagnes de répression des forces de l'ordre", estime le CEP. "Les agences comme Europol ne sont parvenues qu'en partie à empêcher la prolifération des messages extrémistes en ligne".

"Les cyberpartisans de l'EI tentent désormais de trouver de nouveaux moyens pour leur permettre de ne plus compter exclusivement sur les sites hébergeurs classiques, potentiellement hostiles", ajoute l'ONG.

A la mi-août, les experts du CEP ont souligné que les cyberjihadistes privilégiaient désormais les plateformes de stockage en nuage (cloud storage platforms), souvent associées à des logiciels de cryptage, pour diffuser leurs documents tout en rendant leur censure difficile.

Ainsi, un document PDF en arabe décrivant le mode de fabrication d'un explosif puissant a été mis en ligne sur Telegram le 13 août, pour être posté le même jour par au moins dix autres comptes pro-EI sur Telegram, avec textes et photos.

Laurence Bindner, co-fondatrice du site spécialisé sur le cyberjihad Jihadoscope, explique à l'AFP que "l'on peut faire un parallèle entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui se passe en ligne. Quand l'EI était puissant sur le terrain, tandis que les grandes plateformes comme Facebook ou Twitter n'avaient pas mis en place de systèmes de contrôle, l'EI occupait l'espace sur internet".

"Puis il a perdu ses fief en Syrie et en Irak et a muté vers une structure plus insurrectionnelle, avec des activités clandestines", dit-elle. "Parallèlement, dès que les plateformes ont commencé à contrôler, à censurer, à supprimer des milliers de comptes, les activistes ont migré vers des plateformes plus discrètes, plus fermées, type Telegram."

Dans un récent post sur "Ultima Ratio", le blog du Centre des études de sécurité de l'Institut français de relations internationales, Laurence Bindner et Raphaël Gluck soulignaient que "face à un contrôle accru des grandes plateformes ayant mis en place des outils d’intelligence artificielle notamment, l’EI diversifie ses débouchés en distillant les contenus sur des sites moins connus, parfois obscurs, ne disposant pas de ressources à consacrer pour le monitoring".

"On assiste donc à une fragmentation de la propagande djihadiste, qui devient certes davantage isolée du grand public mais aussi plus diffuse et donc ardue à maîtriser", ajoutent-ils.

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