Techno Fin probable de la "neutralité du net" jeudi aux Etats-Unis

AFP

14.12.2017 - 17:54

Frein à l'investissement ou garantie d'un internet équitable ? Le principe de "neutralité du net", qui déchire opposants et partisans depuis des années, pourrait disparaître jeudi à la faveur d'un vote des autorités de régulation américaines.

La Commission fédérale des communications (FCC) doit en effet se prononcer sur l'abrogation d'une règle datant de la présidence de Barack Obama qui oblige les fournisseurs d'accès internet (FAI) à traiter tous les services en ligne de la même manière, assurant ce qu'on appelle la "neutralité du net".

Cette décision pourrait pourtant avoir des conséquences concrètes pour les internautes, affirment les défenseurs du principe de neutralité.

Une centaine d'entre eux ont manifesté jeudi matin devant le siège de la FCC, installant un mini-mausolée à la mémoire de l'internet "comme on l'a toujours connu", selon un faire-part de décès, laissé au milieu de fleurs et de bougies.

La décision "va affecter les pauvres, les marginalisés, les Noirs, les femmes (qui) n'auront plus accès aux communication, à l'information", a affirmé à l'AFP l'artiste et réalisateur Damon Davis.

Pierce Stanley, membre de l'organisation Demand Progress qui défend la neutralité, a dénoncé une "abdication totale" de la FCC qui va "offrir l'internet libre en cadeau aux FAI".

"Il y aura un prix politique à payer", a pour sa part mis en garde le sénateur démocrate Ed Markey, alors que le principe de neutralité est défendu par 83% des Américains, selon un récent sondage de l'université du Maryland.

Le procureur général de New York, Eric Schneiderman, a demandé à la FCC de reporter sa décision après la découverte par ses services de 2 millions de faux commentaires envoyés à la FCC durant l'enquête publique.

Car la décision de la FCC autoriserait théoriquement les FAI à moduler la vitesse de débit internet à leur guise, en fonction du contenu qui passe dans leurs "tuyaux". Les défenseurs de la neutralité craignent donc que ces FAI ne créent un "internet à deux vitesses" en faisant payer davantage pour un débit plus rapide, ou en bloquant certains services leur faisant concurrence, comme la vidéo à la demande, la téléphonie par internet ou les moteurs de recherche.

- Pas d’autorité légale -

Les gros FAI américains sont eux-mêmes en effet créateurs de contenus: ComCast possède par exemple NBCUniversal (chaînes télé et studios). AT&T cherche de son côté à racheter le groupe Time Warner (qui possède des studios mais aussi des chaînes comme CNN ou HBO).

Et si les FAI imposent des frais supplémentaires aux entreprises qui fournissent du contenu gourmand en bande passante -- comme les films et les séries diffusées par Netflix, Amazon ou autres -- ces derniers pourraient alors décider de répercuter cette hausse des coûts sur les abonnements.

Mais pour les partisans du projet de la FCC, les règles actuelles assimilent les opérateurs à des services publics et empêchent les investissements dans de nouveaux services comme les vidéo-conférences, la télémédecine et les véhicules connectés qui ont besoin du haut débit.

Le nouveau patron de la FCC, Ajit Pai, nommé par le président Donald Trump, a décidé récemment de remettre le sujet sur la table et promis de mettre fin aux règles actuelles pour "restaurer la liberté d'internet".

M. Pai plaide pour le retour à une "approche réglementaire légère", revenant à la situation du début des années 2000 qui a permis à internet de s'épanouir.

De leur côté, les FAI promettent de gérer leur réseau de façon ouverte et transparente tandis que la FCC assure que les plaintes éventuelles seraient traitées par une autre agence, la Commission fédérale de la concurrence (FTC), spécialisée dans la protection des consommateurs et les règles anti-monopole. Une promesse à laquelle ne croient pas les défenseurs de la neutralité, estimant que la FTC n'a pas d'autorité légale pour gérer certains dossiers.

Bien que très américain, le débat sur la "neutralité du net" concerne indirectement de nombreux autres pays qui fondent leurs législations internet sur le modèle américain. L'Union européenne a voté des directives mais chaque Etat-membre a sa propre régulation.

La situation américaine est unique car ce sont des opérateurs privés qui créent et investissent dans leurs propres réseaux, alors qu'ailleurs les infrastructures appartenant à un actuel ou ancien monopole sont partagées.

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