Techno L'application TikTok ballottée entre Trump, Pékin et Microsoft

AFP

4.8.2020 - 07:39

Après avoir soufflé le chaud et le froid, Donald Trump s'est finalement déclaré favorable à un rachat rapide par Microsoft de TikTok, propriété du Chinois ByteDance, tout en exigeant qu'une partie de la transaction soit versée dans «les caisses de l'Etat».

Le président américain, qui accuse la très populaire application d'espionner ses utilisateurs pour le compte de la Chine, avait annoncé vendredi qu'il la bannissait totalement des Etats-Unis.

TikTok «fermera le 15 septembre à moins que Microsoft ou une autre entreprise (américaine) soit en mesure de l'acheter et de trouver un accord», s'est-il ravisé lundi.

«Les Etats-Unis devront recevoir un pourcentage conséquent du prix», a-t-il insisté, parce que «nous rendons ce succès possible».

«C'est comme pour un propriétaire et un locataire: c'est le bail qui donne la valeur. Nous sommes le bail, en quelque sorte», a-t-il développé.

Le principe d'une compensation financière pour le Trésor lors d'une acquisition est inhabituel, et généralement réservé aux crises.

Récemment, les grandes compagnies aériennes américaines ont accepté d'accorder des contreparties au contribuable en échange des aides de l'Etat pour faire face à la pandémie de coronavirus.

- «Trop envahissants» -

Le message semble avoir été reçu cinq sur cinq par Microsoft.

L'acquisition sera soumise «à une évaluation complète de la sécurité et devra apporter des bénéfices économiques aux Etats-Unis, y compris au Trésor américain», avait déjà indiqué la société de Seattle dimanche.

Il faut dire que, vendredi soir, Donald Trump s'était opposé à un rachat, même par une entreprise américaine. Le patron de Microsoft, Satya Nadella, s'est entretenu dimanche avec lui, et est visiblement parvenu à l'amadouer.

Dans un contexte de tensions politiques et commerciales avec la Chine, Washington accuse depuis des mois la plateforme d'être utilisée par le renseignement chinois à des fins de surveillance.

M. Nadella «m'a appelé et je lui ai dit : +pour des raisons de sécurité, (TikTok) ne doit pas être contrôlé par la Chine. Ils sont trop grands, trop envahissants+», a raconté le locataire de la Maison Blanche.

TikTok a toujours fermement nié tout partage de données avec Pékin.

Le réseau social, très utilisé par les 15-25 ans, compte environ un milliard d'utilisateurs dans le monde qui créent et partagent de courts clips généralement musicaux, décalés ou humoristiques.

- Appli et diplomatie -

ByteDance opère une application séparée en Chine, sur le même principe.

«TikTok pourrait être forcé de vendre ses activités américaines», a admis Zhang Yiming, le fondateur du groupe chinois, dans un courriel envoyé à ses employés et cité par le quotidien officiel Beijing Daily lundi.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a de son côté accusé Washington d'hypocrisie.

«Sous couvert d'une notion abusive de sécurité nationale, et sans preuves, les Etats-Unis (...) menacent des entreprises», s'est emporté le porte-parole Wang Wenbin.

«Cela va contre le principe de l'économie de marché et démontre leur hypocrisie (...) en termes de préservation des soi-disant (principes) d'impartialité et de liberté», a-t-il ajouté.

Si la transaction a lieu, Microsoft possèdera et dirigera le réseau social aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Le géant informatique a promis de «s'assurer que toutes les données des utilisateurs américains de TikTok soient transférées et restent aux Etats-Unis».

- «Exercice d'évacuation incendie» -

Microsoft, dont le titre a pris plus de 5% à Wall Street lundi, aurait ainsi une chance de percer sur le marché très prisé des réseaux sociaux, même si les observateurs restent prudents.

Les aventures du groupe hors des marchés professionnels «ont eu des résultats mitigés, au mieux», remarque Rich Greenfield, analyste chez LightShed. «Pensez à Skype, Mixer, Hololens, Linkedin et même Minecraft, qui n'a pas pris l'ampleur qu'il aurait pu avec un autre acheteur».

Fin juin, la société a fermé sa plateforme de streaming de jeux vidéo Mixer, laissant le champ libre au géant du secteur Twitch (Amazon) et à ses deux rivaux, YouTube Gaming et Facebook Gaming.

L'analyse note aussi les incertitudes en termes de marchés – comment diviser un réseau social international par pays ? – et aussi celles liées au contexte politique.

«Nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander si un gouvernement Biden (le candidat démocrate à la présidentielle de novembre aux Etats-Unis) ne donnerait pas plus de temps à ByteDance pour trouver la +meilleure+ transaction possible, au lieu de ce qui ressemble en ce moment à un exercice d'évacuation incendie».

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