Le bitcoin, une monnaie décentralisée mais surtout très concentrée
Le bitcoin est souvent décrit comme une monnaie virtuelle décentralisée et affranchie de toute autorité bancaire. Mais la concentration des bitcoins dans les mains de quelques-uns jette le doute sur sa réelle émancipation.
A l'origine du bitcoin, créé en 2009, figurait la volonté d'offrir une monnaie indépendante d'un pouvoir centralisé.
Contrairement au dollar ou à l'euro, le bitcoin n'est pas émis par des Banques centrales mais est "miné", ou créé, de manière décentralisée par des ordinateurs utilisant des algorithmes complexes. Et à la différence des monnaies classiques, le bitcoin, première et principale monnaie virtuelle, est limité à 21 millions d'unités.
La flambée de la valeur de cette cryptomonnaie, passée de quelques cents à plus de 6.800 dollars, avec un pic à 19.500 dollars en décembre, a transformé les premiers investisseurs en multimillionnaires, voire en milliardaires.
Un millier de comptes, sur les presque 11 millions existants, détiennent ainsi 35,40% des 17 millions de bitcoins minés, selon des chiffres de BitInfoCharts, tirés du registre partagé regroupant l'ensemble des transactions effectuées. Et seulement 10 adresses détiennent 5,96% des bitcoins.
Des chiffres frappants même s'ils sont à prendre avec un peu de précaution car plusieurs personnes peuvent se cacher derrière une adresse et une personne peut détenir plusieurs adresses, notamment pour limiter les risques en cas de piratage.
- Inimaginable ailleurs -
Lors de la période de 24 heures entre lundi et mardi 10H00 GMT, les cent transactions les plus importantes, sur un total de plus de 200.000 (soit 0,05% des transactions), ont représenté plus de 24% de l'ensemble des volumes échangés sur la période, une concentration inimaginable sur d'autres marchés.
"Sur les changes par exemple, le marché est tellement énorme avec tellement de transactions chaque jour qu'un simple acteur ne peut avoir aucune influence sur les cours", a expliqué à l'AFP Craig Erlam, analyste pour Oanda.
Avec de tels montants à leur disposition, les "baleines", comme elles sont appelées, pèsent lourdement sur les cours.
Elles "contrôlent littéralement la monnaie car elles peuvent, directement ou indirectement, dicter la politique monétaire qui est normalement la fonction d'une banque centrale", estime Bob McDowall, analyste et coauteur d'une étude sur la liquidité des cryptomonnaies.
Une comparaison qu'Aaron Brown, ancien directeur général d'AQR Capital Management et détenteur de fonds en bitcoins, juge toutefois exagérée.
S'il reconnaît qu'une vente coordonnée de la part des principaux détenteurs pourrait faire tomber le cours du bitcoin près de zéro, ce risque reste théorique selon lui, les investisseurs historiques se considérant comme "une communauté", il n'y a aucune raison pour que tous décident d'en sortir subitement.
Pour éviter de provoquer un effondrement des cours, les observateurs estiment d'ailleurs que les "baleines" sondent le marché, s'appelant même entre elles avant de passer un ordre important, alimentant les soupçons de fraude dans un marché non régulé.
Fin mai, les autorités américaines ont ouvert une enquête criminelle sur des manipulations potentielles des cours du bitcoin et d'autres cryptomonnaies, soupçonnant des traders de "spoofing", une pratique visant à placer de faux ordres et à les retirer rapidement pour faire bouger les cours.
- Investisseur ou spéculateur -
Depuis le pic de fin 2017, la concentration des bitcoins entre quelques mains a néanmoins diminué, selon une étude réalisée par Chainalysis, un cabinet de recherche.
A cette époque, de nombreux investisseurs de long terme ont vendu leurs actifs à un nouveau type d'acteurs, plus intéressés par la spéculation. Ces derniers ont tendance à posséder moins de bitcoins, mais à réaliser plus de transactions.
"Les stocks de bitcoins disponibles pour des échanges ont augmenté de 57% depuis décembre 2017", relève Chainalysis.
Ce nouvel afflux a contribué à la baisse des cours, alors que l'euphorie autour de la cryptomonnaie est retombée et que le total des volumes quotidiens échangés calculé en dollars est désormais cinq fois moins élevé qu'en décembre, selon un rapport de Morgan Stanley.
Pour autant, les investisseurs de long terme, qui bloquent leurs actifs et soutiennent les prix, n'ont pas disparu. En avril, ils détenaient encore 50% des bitcoins disponibles, c'est-à-dire en excluant ceux perdus et irrécupérables (entre 2,3 et 3,7 millions selon Chainalysis).
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